23 octobre 2025
Figure de maître – Me Dominic Jaar, Ad. E.
Me Dominic Jaar : faire évoluer la profession
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat

Membre du Barreau du Québec depuis 2002, Me Dominic Jaar, Ad. E. est associé principal Clients & Marchés chez KPMG. À ce titre, il agit comme conseiller stratégique auprès des principaux clients de la firme, les accompagnant dans leurs transformations et les aidant à prévenir et remédier aux crises. Il a été un pionnier de l’union du droit et de la technologie au Québec, consacrant une partie de sa carrière à sensibiliser ses pairs à l’impact des technologies sur le droit et sa pratique.
Après des études en droit à l’Université Laval, à l’Université Aix-Marseille III et à Western, Me Jaar effectue son stage chez Borden Ladner Gervais, où il travaille jusqu’en 2005. Il se joint ensuite au contentieux de Bell Canada. En 2008, à la suite d’une restructuration, il est licencié. Ce moment, qui en aurait paralysé plusieurs, devient pour lui un tremplin : il fonde Conseils Ledjit, le premier cabinet de consultants au Canada spécialisé en gestion de l’information et en administration de la preuve électronique. Deux ans plus tard, il vend son entreprise à KPMG, où il devient chef national de la gestion de l’information et de la preuve électronique, bâtissant une pratique nationale en services d’enquêtes technologiques.
Au fil du temps, son rôle chez KPMG évolue vers le conseil en gestion. En avril dernier, un poste est créé sur mesure pour lui : associé principal, Clients & Marchés. Il devient le conseiller stratégique de confiance de grandes organisations, mettant à profit sa formation juridique et son expérience en litige pour anticiper les risques et orienter les décisions. « Ma formation d’avocat me permet de comprendre les responsabilités de chaque partie dans un dossier, mais surtout de saisir l’importance d’une réflexion stratégique tournée vers l’avenir. »
Curieusement, Me Jaar n’était pas un passionné des technologies à ses débuts. C’est en travaillant sur un dossier comportant des milliers de documents qu’il découvre des outils technologiques lui permettant de gagner en efficacité. Puis, dans un autre dossier de nature technologique, il s’investit à fond et analyse même le code du logiciel au cœur du litige. « J’ai constaté que le code du logiciel était structuré comme une loi. J’ai vu une équivalence logique avec le droit. J’ai alors réalisé qu’on pouvait informatiser le droit et créer des systèmes pour le faire évoluer. Je me suis dit que, avant toute chose, la première étape, c’était d’initier la communauté juridique aux nouvelles technologies. »
Depuis, Me Jaar n’a cessé de sensibiliser la profession à cette réalité. En 2005, il fonde Legal.IT, la première conférence québécoise sur le droit et les technologies de l’information. En 2006, il devient l’un des premiers blogueurs juridiques au Québec. De 2013 à 2020, il siège sur et préside le conseil d’administration de CanLII. Au cours des années, il donne aussi de nombreuses conférences sur le commerce électronique, le droit de l’Internet, la méthodologie d’enquête informatique, la cybersécurité, la gestion de l’information et la preuve électronique. Il participe également à l’élaboration de normes et de pratiques dans ces domaines.
Avec humilité, Me Jaar admet que la pandémie a eu plus d’impact que lui sur le virage technologique de la profession. Il constate que le droit demeure encore trop attaché au papier et peine à suivre le rythme du monde numérique. « Le droit est devenu très réactif. Plutôt que d’être en amont des enjeux sociaux, il se retrouve souvent en aval. » Aujourd’hui, son influence est plus discrète, mais tout aussi concrète. Il fait grandir ses idées au sein des grandes entreprises qu’il conseille. Regardant toujours vers l’avenir, il croit fermement à la conformité par design : « Il faut apprendre à concevoir des systèmes qui respectent la loi. Programmer la conformité permet de simplifier les transactions et de réduire les contentieux. C’est le futur de notre profession. Tout passe par la mise en place de systèmes. »
Sans surprise, l’intelligence artificielle occupe une place importante dans sa vie professionnelle. Elle lui permet de gagner du temps et de se consacrer davantage aux relations humaines. « Nous sommes encore dans l’enfance de l’intelligence artificielle. Il faut faire attention à la façon dont on la nourrit et à l’usage qu’on en fait, sinon on risque des déroutes. »
Me Jaar s’investit pleinement dans tout ce qu’il entreprend. La technologie est pour lui un moyen d’assurer la pertinence de la profession juridique dans un monde en mutation. Il voit sa pratique comme une évolution naturelle du droit et croit fermement que l’avocat peut encore avoir un impact sur la société.
En faisant revivre la chronique Figure de Maître, créée sous le bâtonnat de Me Lynne Kassie en 2000, le Barreau de Montréal souhaite mettre en lumière des avocats inspirants, auteurs de réalisations exceptionnelles et qui, à travers leurs actions, contribuent à faire rayonner la justice.
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