14 août 2025
Figure de maître – L’honorable Jean-Louis Baudouin, O.C., G.O.Q.
Jean-Louis Baudouin : faciliter le travail des autres
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat

Le 4 septembre prochain, lors de la cérémonie de la Rentrée judiciaire (cliquez ici pour vous procurer vos billets), la Médaille du Barreau de Montréal sera remise à l’honorable Jean-Louis Baudouin, O.C., G.O.Q., en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la cause de la justice. Jean-Louis Baudouin a exercé une des influences les plus marquantes au Québec. Sa carrière juridique s’est déployée dans trois sphères : le professorat, la pratique et la magistrature. Ce qui unit ces trois dimensions, ce sont les nombreux ouvrages qu’il a rédigés et mis à jour au fil des années et qui continuent à guider praticiens et étudiants.
Après des études doctorales à l’Université de Paris, il amorce sa carrière universitaire en 1962 à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, où il enseigne, jusqu’à sa nomination à la Cour d’appel en 1989, le droit des obligations, le droit de la responsabilité civile, le droit médical et la bioéthique. À ses débuts, il n’existait pratiquement pas d’ouvrage doctrinal intégrant une analyse approfondie du droit civil québécois. Il lui paraissait essentiel de créer des ouvrages accessibles, destinés d’abord aux étudiants. La première édition de son traité sur le droit des obligations paraît en 1970, suivie de celle sur la responsabilité civile délictuelle en 1973.
Ces ouvrages ont rapidement séduit les praticiens qui y trouvaient une pensée structurée et éclairante. « Lorsqu’un juriste est confronté à un dossier, la première étape consiste à cerner clairement le problème, ce que permet la doctrine. Après avoir circonscrit les enjeux, on peut alors se tourner vers la jurisprudence et voir comment ces idées sont transposées et appliquées. » M. le juge Baudouin est également co-auteur d’un ouvrage phare, le Code civil du Québec annoté, qui a grandement facilité l’accès à la jurisprudence québécoise pour les professionnels du droit. L’ouvrage dont il est le plus fier demeure celui sur la responsabilité civile « Le droit des obligations reste assez théorique, alors que les règles de responsabilité civile s’incarnent dans le concret. Ce sont des larmes, du sang, des gens pris dans des problèmes souvent existentiels. » Il a également été, durant cette période, l’un des principaux artisans de la refonte du Code civil du Québec.
M. Baudouin a également pratiqué le droit pendant sa carrière universitaire, puis après son passage à la magistrature. Alors qu’il était professeur, sa pratique se concentrait sur la rédaction d’opinions juridiques pour des cabinets. Il a aussi plaidé à trois reprises à la Cour suprême du Canada. « On ne peut pas être un bon théoricien du droit sans avoir un éclairage pratique. Le droit est un tout. Il comporte une dimension fondamentale de réflexion, mais celle-ci resterait stérile sans une application dans la vie sociale quotidienne. Il faut adapter les règles de droit à la réalité sociale. Le droit n’est pas une science de croyance, mais une science d’application. Il doit s’incarner dans la société où il évolue. »
La troisième facette de sa carrière est celle de la magistrature. Nommé à la Cour d’appel du Québec en 1989, il y siège jusqu’en 2008. La charge de travail y était importante, mais il disposait du temps nécessaire à la réflexion. Il tenait à ce que les justiciables aient le sentiment que justice avait été rendue. On disait de lui qu’il était un juge patient, à l’écoute des plaideurs et soucieux de faciliter leur tâche. « Ce que j’appréciais le plus à la Cour d’appel, c’était la grande variété des dossiers et la diversité des champs du droit. J’ai aimé revisiter des domaines juridiques avec lesquels j’étais moins familier. En dehors des dossiers, je lisais beaucoup et m’efforçais de me mettre à jour dans les autres domaines. »
Monsieur le juge Baudouin est profondément préoccupé par l’accessibilité à la justice. Selon lui, certains conflits ne devraient jamais être judiciarisés et devraient plutôt se régler à l’amiable. La médiation, l’arbitrage et les autres modes de prévention et de règlement des différends ont représenté une transformation importante. Malgré cela, les progrès substantiels en matière d’accès à la justice demeurent limités. Il faut trouver des moyens de rendre la justice moins coûteuse et plus rapide. Le juge Baudouin s’intéresse également à l’intelligence artificielle, qui pourrait, selon lui, remplacer le juge dans certains types de dossiers où il est principalement question de chiffres.
Aujourd’hui, bien qu’il ne soit plus membre du Barreau, il demeure attentif à l’évolution du monde juridique et continue de mettre à jour son Code civil du Québec annoté. Outre le droit, la pêche, la gastronomie, l’œnologie et la lecture comptent toujours parmi ses petits plaisirs.
Au fil des années, Jean-Louis Baudouin a fait progresser le droit et a su offrir aux étudiants et aux praticiens des outils leur permettant de mieux comprendre les concepts juridiques. En facilitant le travail des autres, il a ainsi contribué à faire avancer la justice. Par sa présence dans des organismes internationaux, il a également permis une ouverture de la connaissance et de la diffusion du droit civil québécois.
La Médaille du Barreau de Montréal est remise à des personnes qui se sont démarquées par leur contribution à la cause de la justice. Pour connaître les récipiendaires des années antérieures, cliquez ici.
En faisant revivre la chronique Figure de Maître, créée sous le bâtonnat de Me Lynne Kassie en 2000, le Barreau de Montréal souhaite mettre en lumière des avocats inspirants, auteurs de réalisations exceptionnelles et qui, à travers leurs actions, contribuent à faire rayonner la justice.
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