Me Yolande James : au service des autres
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat
Députée, ministre, commentatrice politique, médiatrice, directrice des communications stratégiques au sein d’une société d’État, le parcours professionnel de Me Yolande James est tout sauf linéaire. Même si elle a baigné dans des environnements de travail bien différents, qui s’éloignent d’une pratique plus traditionnelle du droit, Me James a toujours voulu être en communication et en relation avec les autres.
À l’aube de la vingtaine, elle est attachée politique de Russell William, député libéral dans la circonscription de Nelligan. Pendant ces années, elle complète aussi son baccalauréat en droit civil à l’Université de Montréal en 2000 et a sa common law à l’Université Queen’s en 2003. À cette époque, la politique est avant tout une passion et un loisir, une façon de participer à la société, et ne fait pas vraiment partie de ses plans de carrière. Me James s’imagine plutôt travailler comme avocate au sein d’une grande organisation à l’international.
En 2004, elle fait son stage en droit au ministère de la Santé et des Services sociaux où elle a la chance de travailler avec le Comité de législation du Conseil exécutif. Après son stage, elle devient conseillère politique au cabinet du ministre de la Santé et des Services sociaux, Philippe Couillard, et participe entre autres aux travaux entourant le projet de loi 56, modifiant la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées. Il ne va sans dire que ces expériences lui ont permis de bien comprendre le processus législatif et le travail des légistes et de mettre en quelque sorte la table pour la suite.
Me James est élue une première fois à l’Assemblée nationale du Québec en 2004. À ce moment, elle n’aspirait pas vraiment à une carrière en politique, mais voulait tout simplement vivre sa passion et le plus d’expériences possible : « Ce que je suis la plus fière de mes années en politique, c’est la façon de travailler avec les gens. J’essayais le plus possible d’arriver à un consensus et de ne pas privilégier avant tout la voie partisane. En fait, j’essayais d’aller chercher le meilleur des gens. » Ministre de l’Immigration et des communautés culturelles de 2007 à 2010 et ministre de la Famille de 2010 à 2012, elle quitte la vie politique en 2014, à la fin de son mandat.
Elle devient par la suite commentatrice politique pour les émissions Club des ex et Mordus de politique diffusées sur les ondes de RDI. Encore une fois, rien n’était vraiment planifié : « J’ai toujours aimé communiquer, vulgariser les choses, bien comprendre un enjeu et tenter de le décortiquer. » Ses années dans les médias lui ont permis de saisir l’importance de bien comprendre son auditoire et surtout l’intérêt du message à communiquer, ce qui l’a aidé dans ses emplois subséquents, notamment à titre de médiatrice. En effet, après avoir suivi en 2017 la formation de l’Université de Sherbrooke en partenariat avec l’Institut de médiation et d’arbitrage du Québec, Me James a réalisé plusieurs mandants de médiation, et ce, pendant ses années dans le monde des communications.
Après un séjour de deux ans à titre de Directrice de la Diversité et de l’inclusion chez Radio-Canada, Me James occupe aujourd’hui le poste de Directrice générale et cheffe des communications stratégiques au sein d’une autre société d’État, le fonds d’investissement PSP, qui gère les actifs de la caisse de retraite des fonctionnaires fédéraux.
En juin 2021, l’Université de Montréal lance la Bourse d’admission Yolande James, destinée à une personne noire nouvellement admise en droit au premier cycle. Cette initiative, visant à rendre le milieu juridique plus inclusif, a profondément ému Me James qui est la première femme noire élue à l’Assemblée nationale du Québec et qui croit sincèrement que tous peuvent aspirer à prendre la place qui leur revient.
Ayant toujours voulu demeurer la plus authentique possible, Me James nous invite à prendre le temps de bien faire les choses et de croire vraiment aux gestes que l’on pose : « Le bonheur est de tracer sa propre voie et de ne pas avoir peur de prendre des chemins atypiques, ce qui ne signifie pas nécessairement qu’il n’y a pas de fil conducteur. Pour moi, le fil conducteur a toujours été de servir le public. »
Le parcours de Me James est un exemple inspirant qu’il n’est pas toujours nécessaire d’avoir un plan de match bien défini et surtout qu’il ne faut pas craindre de vivre pleinement ses propres choix.
En faisant revivre la chronique Figure de Maître, créée sous le bâtonnat de Me Lynne Kassie en 2000, le Barreau de Montréal souhaite mettre en lumière des avocats inspirants, auteurs de réalisations exceptionnelles et qui, à travers leurs actions, contribuent à faire rayonner la justice profession.
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Me Marie-Claude Jarry : hors des sentiers battus
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat
Membre du Barreau du Québec depuis 1992, Me Marie-Claude Jarry pratique en droit bancaire chez Dunton Rainville où elle a passé la majeure partie de sa carrière. Me Jarry a aussi toujours été très impliquée dans sa communauté. Son esprit curieux, mais aussi fidèle aux traditions, l’a guidée tout au long de ses implications.
Après un baccalauréat spécialisé en science politique, Me Jarry complète, également à l’Université de Montréal, ses études en droit. Par la suite, elle fait son stage chez Dunton Rainville où elle devient associée en 2001. Me Jarry se sent très privilégiée et fière d’être la première stagiaire qui a accédé au rang d’associé au sein de son cabinet.
En 2009, Me Jarry est sollicitée pour joindre les rangs d’un important client du cabinet, la Banque de Montréal, afin de prendre la tête de son contentieux pour le Québec. Même si elle trouve la pratique en contentieux intéressante, elle revient à la pratique privée chez Dunton Rainville quatre ans plus tard où elle pratique toujours, principalement en droit bancaire et en droit commercial.
Une avocate impliquée depuis ses tout premiers débuts
Me Jarry commence à s’impliquer dès le début de sa carrière. Au cours des années, elle siège à plusieurs conseils d’administration dont ceux du Centre de santé et de services sociaux Dorval-Lachine-LaSalle, de 2004 à 2010, et de la Régie des installations olympiques, de 2009 à 2013. De 2004 à 2018, elle est également vice-présidente du conseil d’administration de la Fondation Mélio au soutien du Centre de réadaptation Marie Enfant du CHU Sainte-Justine. En ce moment, elle s’implique notamment sur le conseil d’administration du Théâtre de Lac-Brome et du Pavillon Foster, un centre de réadaptation pour les personnes en situation de dépendances.
Me Jarry a toujours eu un intérêt marqué pour l’histoire militaire et les conflits internationaux. En fait, si elle n’avait pas choisi le droit, elle aurait aimé être journaliste. En décembre 2018, elle est nommée première femme Lieutenant-Colonel Honoraire du régiment militaire Royal Canadian Hussars (Montréal) qui est un régiment blindé de reconnaissance constitué de réservistes qui remplissent leur engagement parallèlement à leur vie professionnelle. Son rôle est entre autres de faire un lien entre l’armée et la société civile, dans un souci de maintenir la tradition et de faire connaître la réalité des réservistes. Me Jarry a été marquée par l’importance d’un régiment dans la vie de tous les jours des réservistes : « Ils sont fiers de leur engagement et de leur appartenance à leur régiment qui est un point d’ancrage et une vraie famille. »
Parallèlement à son engagement au sein du Royal Canadian Hussars, Me Jarry est vice-présidente de la section Québec du Conseil de liaison des forces canadiennes. Cet organisme est composé de plus de 140 bénévoles de partout au Canada qui entretiennent des relations privilégiées avec le secteur des affaires, de l’éducation et avec leur gouvernement provincial ou en sont des acteurs eux-mêmes. Ces bénévoles travaillent en partenariat avec l’Équipe de la Défense pour inciter les employeurs, les établissements d’enseignement et d’autres organismes à souligner à quel point le service au sein de la Réserve est précieux pour les collectivités canadiennes et pour la défense du Canada et pour faciliter la conciliation entre une vie professionnelle et une carrière dans la Réserve : « Les réservistes sont des employés formés, qualifiés, loyaux et disciplinés. Dans le cadre de leur formation dans la Réserve, ils développent des qualités exceptionnelles et des aptitudes au leadership qui en font des employés hors normes et fort appréciés. » (…)
C’est en quelque sorte la curiosité qui a poussé Me Jarry à vouloir toujours s’impliquer sans compter ses heures tout en développant de nouveaux intérêts : « Ma préoccupation a toujours été de faire en sorte que ma carrière et ma vie professionnelle soient des plus intéressantes. Pour que la pratique de la profession demeure agréable et enrichissante, j’ai toujours cherché à élargir le champ de mes interventions et de mes connaissances, ce qui m’a permis d’apprendre énormément sur une foule de sujets et de rencontrer des gens extraordinaires. »
Le succès de Me Jarry dans ses implications est certainement aussi tributaire de la confiance et du soutien de personnes clés, notamment M. Jean-Paul Bouchard, qui était directeur général d’établissements dans le secteur de la santé et des services sociaux, Me Jean-Jacques Rainville, président du conseil de direction de Dunton Rainville, et aussi, et non le moindre, son conjoint des 30 dernières années, Me Paul André Martel.
Même dans ses loisirs, Me Jarry démontre un esprit curieux, mais aussi un intérêt pour les traditions. Cavalière aguerrie, elle pratique l’équitation depuis plusieurs années.
Un double engagement au service des autres
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat
Membre du Barreau depuis 1992, Me Marie Christine Kirouack, Ad. E., a su mettre son énergie débordante et contagieuse au service des autres. Son apport au droit familial est impressionnant, notamment par ses nombreux textes de doctrine, ses participations à des commissions parlementaires ainsi que par les formations et les cours qu’elle a donnés au cours de sa carrière. Toutefois, ce dont elle est particulièrement fière demeure sa contribution en matière de santé mentale. Pour ceux qui l’ignorent, Me Kirouack est, depuis 2011, la directrice du Programme d’aide aux membres du Barreau du Québec (PAMBA).
Après avoir complété un diplôme d’études collégiales en lettres et philosophie au Cégep Édouard-Montpetit en 1981 et goûté au marché du travail, elle entame ses études en droit en 1988, à l’Université McGill. Pendant ces années, elle a notamment été la porte-parole du Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ), en plus d’avoir agi à titre d’intervenante de première ligne dans un centre de thérapie alternative pour femmes souffrant de maladies mentales. Nul doute que ces expériences de travail ont donné le ton à ses implications et ses engagements futurs.
Une pratique axée sur le droit de la famille
Me Kirouack a toujours pratiqué en droit de la famille. Elle a commencé sa carrière de juriste au sein du cabinet Moisan Lasalle, un bureau uniquement constitué de femmes où elle a été rapidement lancée dans une foule de défis. Elle garde notamment d’excellents souvenirs de Me Pierrette Moisan qui lui a insufflé un esprit de précision et de synthèse.
À partir de 2011, sa pratique a pris une certaine tangente. Elle a commencé à représenter davantage des enfants dans des dossiers en droit familial : « Pour moi, c’est un rôle privilégié de représenter un enfant devant le tribunal et de m’assurer que ses intérêts soient protégés. Une telle pratique permet aussi de faire de l’intervention en santé mentale. »
En plus d’enseigner le droit de la famille à l’Université McGill, de donner des formations et de participer à des commissions parlementaires, Me Kirouack a écrit de nombreux articles de doctrine (plus de 4 000 pages), notamment en matière de filiation et d’autorité parentale. Elle est également l’autrice de deux ouvrages, La réforme de la Loi sur le divorce et le Guide de préparation du témoin.
Toujours engagée, Me Kirouack siège encore aujourd’hui sur le conseil d’administration de l’Association des avocats et avocates en droit familial du Québec, dont elle a été vice-présidente de 1998 à 2005 puis présidente de 2005 à 2013. Pour Me Kirouack, l’avocat en droit de la famille a un rôle social de premier plan à jouer et doit tout faire pour éviter de jeter de l’huile sur le feu, et ce, pour le meilleur intérêt des enfants.
Une intervenante de première ligne
Me Kirouack s’est jointe au PAMBA en 2000. Elle a tout d’abord été adjointe au directeur, Me Guy Quesnel, pendant plus de 10 ans, avant de prendre sa relève en février 2011. Rappelons que, depuis 1996, le PAMBA offre un service d’aide et de consultation pour les avocats victimes d’alcoolisme, de toxicomanie, d’épuisement professionnel, de stress et d’autres problèmes de santé mentale en plus d’être accessible, en toute confidentialité, 365 jours par année, jour et nuit.
Pour Me Kirouack, le PAMBA permet littéralement de sauver des vies : « Avec le temps, j’ai réalisé que ce que je fais au programme est plus important que le reste, dont mes articles de doctrine qui ne résistent pas au temps et qui deviennent en quelque sorte décalés. Nos interventions permettent à des gens de retomber sur leurs pieds et même littéralement de rester en vie. C’est fondamental. Si je regarde mon travail au PAMBA et mon travail comme Ombudsman, je fais probablement une plus grande différence au sein de la société que comme avocate en droit de la famille. »
En mai 2021, Me Kirouack a décidé de prendre un nouveau virage et de mettre sa pratique en droit de la famille de côté pour devenir Ombudsman de l’Archidiocèse de Montréal. Pour elle, ce nouveau défi est une continuation de son engagement dans le domaine de l’intervention de première ligne.
L’engagement social de Me Kirouack, tant au niveau juridique qu’en matière de santé mentale, a été reconnu par la communauté juridique. En 2019, elle a reçu le Mérite du Barreau du Québec pour son apport significatif au développement et à l’avancement du droit de la famille et pour son travail de démystification en santé mentale. En 2014, elle a également reçu le Prix d’excellence du Programme d’aide aux juristes (PAJ) de l’Association du Barreau canadien (ABC) pour son dévouement envers l’amélioration de la santé mentale chez les avocats.
Pour se changer les idées, se détendre et combattre le stress, Me Kirouack se passionne pour les travaux de rénovation : « Poser un plancher de bois franc fait toujours sortir le méchant. » Ce n’est pas tout. Les lundis d’hiver, on peut aussi la retrouver sur les pentes du Mont Saint-Bruno où elle est patrouilleuse de ski.
À l’approche des mois plus gris de l’année, Me Kirouack invite tous les avocats à prendre soin d’eux et à décrocher, mais aussi à ne pas avoir d’idée préconçue sur eux-mêmes et sur leur carrière. Pour elle, il faut saisir les opportunités que la vie nous offre et surtout ne pas s’imposer ses propres limites.
Me Fernando Belton : croire en l’implication sociale
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat
Membre du Barreau depuis 2015, Me Fernando Belton pratique en droit criminel et pénal dans un cabinet qu’il a lui-même fondé. Sensible aux enjeux sociaux actuels, il est le président et le cofondateur de la Clinique juridique de Saint-Michel (CJSM) où il coordonne notamment l’équipe de profilage racial. Il ne fait aucun doute que l’engagement occupe une place prépondérante dans l’impressionnant parcours professionnel de ce jeune avocat
L’intérêt de Me Belton pour le droit criminel et pénal est né d’un cours de Tribunal-école pendant ses études en sciences juridiques à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il rencontre alors deux criminalistes, Mes Lida Sara Nouraie et Nicholas St-Jacques, qui l’ont grandement inspiré et qui lui ont donné la piqure pour ce domaine. Après avoir complété son baccalauréat, il entame un stage à la Cour municipale de Montréal où il est procureur de la poursuite. Il se lance ensuite à son compte et démarre son propre cabinet, Belton avocats, qui compte aujourd’hui trois juristes.
Une partie de la clientèle de Me Belton est constituée de jeunes contrevenants : « On ne traite pas ces dossiers comme ceux des adultes. On doit faire preuve d’une sensibilité particulière et préconiser une approche de collaboration avec la poursuite pour trouver des solutions et sortir le jeune de la situation dans laquelle il se trouve. C’est très gratifiant comme type de pratique. » Me Belton représente aussi des personnes victimes de profilage racial dans le cadre de poursuites contre les municipalités. Dans ce type de dossiers, il apprécie particulièrement le travail d’équipe, notamment avec des avocats civilistes.
La fondation de la CJSM
Pendant ses premières années de pratique, il s’implique à la Clinique juridique de l’UQAM et au Service d’information juridique à la Cour municipale de Montréal. En 2019, il fonde avec Me Limartine Angrand, qui était alors présidente de l’Association des étudiants noirs en droit de l’Université de Montréal, la CJSM. Aujourd’hui, ce sont 100 étudiants et 30 avocats bénévoles, ainsi que 11 employés qui y travaillent. D’ailleurs, une nouvelle clinique ouvrira bientôt ses portes à Ville-Saint-Laurent.
Pour ceux qui ne connaissent pas la CJSM, sa mission se divise en trois axes. Premièrement, elle offre des consultations juridiques gratuites aux résidents du quartier Saint-Michel, et ce, tous les lundis soir. Deuxièmement, elle travaille en collaboration avec d’autres organismes communautaires du quartier en leur proposant formations et ateliers. Finalement, la CJSM met de l’avant des projets visant à combattre le racisme sous toutes ses formes. C’est justement dans cette sphère d’activités de la clinique que Me Belton investit beaucoup de son temps.
Ce printemps, Me Belton donne aussi un cours sur le profilage racial à l’UQAM et également à l’Université d’Ottawa. Ce même cours sera offert à l’Université McGill à la session d’automne et à l’Université de Montréal à celle d’hiver. Par ailleurs, en plus d’enseigner, Me Belton complète aussi une maîtrise en droit criminel à la York University.
Un homme engagé
L’engagement de Me Belton a été reconnu par ses pairs. Au cours de sa jeune carrière, il a remporté plusieurs prix, dont celui d’Avocat JBM de l’année 2021, catégorie Pro bono / Implication sociale et le Prix de la relève de la faculté des sciences juridiques de l’UQAM, en 2021. En 2013, après ses études en droit, il avait également remporté la Médaille du Lieutenant-Gouverneur pour la jeunesse.
Père de trois enfants, âgés respectivement de 1, 3 et 8 ans, Me Belton croit plus que tout en l’importance de l’implication sociale. Pour lui, lorsqu’on a la chance de pratiquer une profession qui offre de nombreux avantages, la moindre des choses est de pouvoir redonner au suivant. Et le plus gratifiant dans tout ça, c’est de percevoir les impacts extraordinaires qui naissent de tous ses efforts.
Les carrières parallèles de Me Suzanne Taffot
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat
Me Suzanne Taffot est née en Espagne, a grandi au Cameroun, a fait des études en France et a été juriste d’entreprise dans une grande société française avant de s’établir au Québec. Membre du Barreau depuis 2014, elle pratique aujourd’hui en droit de l’immigration et a même fondé son propre cabinet. Mais, ce n’est pas tout. Me Taffot est aussi une chanteuse lyrique que la critique considère comme une « voix à suivre ».
Un parcours académique et professionnel inspirant
On peut dire sans hésitation que le parcours académique et professionnel de Me Taffot n’est pas banal. En 2006, elle termine un baccalauréat axé sur le droit des affaires à Dschang, au Cameroun, avant de poursuivre des études en France où elle obtient deux maîtrises : une en droit des affaires comparé et l’autre en droit approfondi de l’entreprise. Elle travaille ensuite comme conseillère juridique pour Lafuma, une entreprise de fabrication d’équipement de sport.
À son arrivée au Québec en novembre 2010, elle retourne aux études à la Faculté de l’éducation permanente de l’Université de Montréal afin de compléter certains cours et, ainsi, pouvoir exercer le droit. Après l’École du Barreau, elle effectue son stage au sein du cabinet Waïce Ferdoussi où elle pratique en droit de l’immigration jusqu’en 2016, avant de se joindre à une société nominale : « J’ai décidé de me lancer à mon compte pour concilier la pratique du droit avec ma passion pour le chant, car je commençais à avoir de petits contrats qui m’amenaient à voyager. À ce moment-là, j’avais extrêmement peur de dire que j’étais avocate et chanteuse d’opéra. Je craignais qu’on ne me prenne pas au sérieux, autant dans le milieu juridique que dans le milieu artistique. »
En 2019, Me Taffot fonde Heritt Avocats, un cabinet qui réunit l’expertise d’associées et d’avocates afrodescendantes ou sensibles à la question de la représentativité dans le monde juridique. La naissance de son cabinet coïncide avec celle de son deuxième enfant, mais aussi avec la mort médiatisée de George Floyd : « Je me suis alors dit qu’il fallait que je montre quelque chose à mon fils, que je laisse quelque chose à mes enfants. J’ai fondé mon propre cabinet pour donner aux jeunes issus de la diversité des modèles pour qu’ils soient capables de se projeter et de rêver. »
Me Taffot souhaite ardemment que les avocats montréalais continuent d’être sensibles à la représentativité et à l’équité afin que tous aient leur chance. Pour elle, l’équité ne doit pas être perçue comme un privilège qu’on accorde aux personnes issues des minorités, mais plutôt comme le moyen de réparer les préjudices et les injustices provenant d’un système.
Le chant lyrique : une vocation
La vocation musicale de Me Taffot est tardive. À 20 ans, elle commence à chanter au sein d’une chorale universitaire au Cameroun. Lors de ses études en France, elle suit des cours de chant par plaisir afin d’apprendre davantage la technique. Au Québec, après avoir été convaincue par son professeur, elle tente sa chance à la Faculté de musique de l’Université de Montréal. Elle passe une audition et est acceptée au programme de baccalauréat : « Pour moi, c’est un exemple concret d’équité dans les arts. Les membres du jury ont compris que mon parcours n’était pas traditionnel, que je ne répondais pas aux standards, mais ils m’ont donné ma chance ». En 2014, elle complète un diplôme de premier cycle en musique, le tout pendant qu’elle poursuit ses études en droit à l’Université de Montréal et à l’École du Barreau. Elle obtient par la suite une maîtrise en chant-opéra en 2017.
Cette soprano est reconnue pour son timbre unique et riche, de même que pour sa présence sur scène et l’authenticité de ses interprétations. Lauréate de plusieurs concours internationaux, elle fait ses débuts en octobre 2021 comme soliste à la Maison Symphonique de Montréal, sous la direction de Maestro Yannick Nézet-Séguin, avec l’Orchestre Métropolitain de Montréal dans le Requiem de Fauré et le Chariot Jubilee de Nataniel Det. Elle a tout récemment complété l’enregistrement d’un premier album qui sera consacré aux airs et aux mélodies de compositeurs noirs ou sensibles à la question de la diversité dans les arts. Ce dernier sera lancé en février 2022.
Cet hiver, elle participera aussi à l’enregistrement de l’opéra La Flambeau avec l’Orchestre Classique de Montréal, dirigé par Maestro Boris Brott, en plus d’interpréter le rôle de Micaela dans l’opéra Carmen de Bizet. Cet été, on pourra l’entendre dans le Requiem de Brahms, sous la direction de Yannick Nézet-Seguin, ainsi que lors de la première mondiale de l’opéra Yourcenar – Une île de passions, coproduit par le Festival d’opéra de Québec et l’Opéra de Montréal, et ce, dans le rôle de « la chanteuse d’Opéra ».
Me Taffot concilie deux carrières de front et trouve son équilibre entre sa passion pour le chant et son amour pour le droit. Mais, avant tout, elle désire laisser son empreinte et marquer les générations futures.
Pour écouter la voix exceptionnelle de Me Taffot, rendez-vous sur son site Internet en cliquant ici. Elle vous invite également à découvrir le Chœur du Barreau du Grand Montréal (anciennement le Chœur du Barreau de Laval), dont vous pouvez suivre les activités en consultant leur page Facebook.
Me Daniel Aubé : sans peur ni regret
Par Mélanie Dugré, avocate
Maturité et sagesse se dégagent de Me Daniel Aubé, jeune trentenaire admis au Barreau en 2011. Né à Montréal, il suit un parcours linéaire au sein d’institutions scolaires publiques. Il entreprend un baccalauréat en études internationales à l’Université de Montréal en récoltant ses meilleurs résultats dans les cours de droit, d’où sa décision de traverser à la Faculté de droit, animé du désir de se rendre utile tout en gagnant sa vie.
C’est à la Cour d’appel que Daniel effectue son stage, agissant principalement comme recherchiste pour le juge Jacques Fournier. Il est séduit par cette incursion dans les concepts de droit pur et apprécie l’accès privilégié aux grands enjeux sociaux matérialisés dans un contexte juridique.
Il parle avec ferveur, respect et admiration de la Cour d’appel et de ses magistrats. Il s’avoue impressionné par leur grande intelligence, leur cheminement intellectuel dans les dossiers dont ils sont saisis et leur quête du raisonnement juridique qui leur permettra d’atteindre une solution juste et équitable. Son premier passage à la Cour d’appel se prolonge et Daniel y travaille pendant trois ans.
Par la suite, il effectue un séjour de 18 mois au sein d’un petit cabinet où il pratique notamment en litige municipal et en responsabilité professionnelle. Cette expérience lui confirmant que la confrontation inhérente à une pratique en litige lui convient peu, il décide de compléter son parcours académique en suivant la formation intensive de médiateur civil et commercial offerte par l’Université de Sherbrooke.
La porte de la Cour d’appel s’ouvre à nouveau devant Daniel Aubé à l’automne 2015 lorsqu’on lui offre un contrat de vulgarisateur juridique. Il travaille alors en coulisses à préparer l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile en participant à la formation des employés du greffe et des adjointes des juges. Il vit donc intensément le compte à rebours qui mène à la date attendue, et redoutée de certains, du 1er janvier 2016.
Son mandat à la Cour d’appel terminé, Daniel se joint au contentieux de la Ville de Montréal en juin 2016 pour un remplacement dû à un congé de maternité. Il agit à titre de conseiller juridique en matière d’environnement et d’urbanisme. Il se dit comblé par ses fonctions et son rôle, qui lui permettent d’approfondir des questions juridiques tout en priorisant le bien-être de la communauté montréalaise dans la formulation de ses opinions et recommandations.
À titre de membre assumé de la génération millénariale, Daniel accorde une importance significative à l’équilibre de vie. Le désir de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, de se divertir, physiquement et intellectuellement, et d’offrir une contribution à la société occupe une place importante dans son échelle de priorités.
Touché et interpellé par les clientèles vulnérables, Daniel Aubé entreprend, en 2012, de participer hebdomadairement au service du repas du soir à la Maison du père. Cette implication s’accentue lorsque, à titre de membre du comité Pro-bono de l’AJBM, Daniel offre des cliniques juridiques pour les sans-abris et organise un souper annuel à la Maison du père au cours duquel le service du repas est assuré par des membres de la magistrature.
Daniel Aubé siège également au conseil d’administration de PRACOM, une maison située dans le Plateau Mont-Royal et dont la mission, depuis 33 ans, est d’offrir du soutien et de briser l’isolement des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Il est particulièrement fier de la composition du conseil d’administration, dont quatre des huit membres sont des usagers de la maison qui apportent une valeur ajoutée à l’équipe de direction. L’organisme fonctionne d’ailleurs sans directeur général, les employés agissant à titre de cogestionnaires sous la supervision du conseil d’administration. Le modèle organisationnel prévoit également que les usagers prennent en charge les ateliers et activités de la maison, ce qui contribue positivement au développement de l’autonomie et de la confiance en soi des usagers.
À cette feuille de route inspirante s’ajoute une implication auprès de l’Association des bègues, qui l’a sollicité l’automne dernier pour donner une conférence. Sa réponse positive et enthousiaste en a surpris plus d’un puisqu’il est relativement inhabituel que des bègues se portent volontaires pour ce genre d’exercice. Daniel a offert un discours marquant, qui a fait grand bruit de par la puissance du message qu’il y a livré, abordant le sujet de son bégaiement avec une franchise et une simplicité désarmantes. Il en parle ouvertement et désamorce les situations potentiellement embarrassantes et anxiogènes en faisant état d’emblée de sa réalité. Il rassure ainsi ses interlocuteurs en leur confirmant que son bégaiement n’est pas causé par un manque de sérieux ou de préparation de sa part et en répondant aux questions ou préoccupations qu’ils pourraient avoir. Sa façon d’aborder de front le bégaiement et de ne jamais choisir la voie d’évitement en raison de la peur ont toujours servi Daniel positivement et lui ont permis de gagner le respect de ses pairs, tout en étant porteur d’espoir pour les bègues qui s’estiment limités par leur situation. Au fond, Daniel fait un pied de nez au bégaiement et avance droit devant, sans peur ni regret, en refusant de laisser le bégaiement prendre emprise sur lui.
Daniel Aubé pose vers l’avenir ce regard calme et serein de la jeunesse qui n’a rien à craindre, convaincu que des défis à la hauteur de ses aspirations l’attendent au détour des chemins qu’il empruntera. En quête d’une vie personnelle professionnelle épanouie, notre figure de maître défend avec ardeur des valeurs d’entraide, de solidarité et d’implication sociale qui font sans contredit de lui un modèle inspirant pour la génération montante.