12 juin 2025
Un mandat sous le signe de la bienveillance
Mot de la bâtonnière – Me Valérie Assouline

Chères consœurs,
Chers confrères,
Il arrive que l’on applique la loi avec rigueur, mais que le sentiment de justice ne se fasse pas ressentir pleinement. Parce qu’une décision peut être juridiquement fondée tout en laissant une personne brisée. Parce que la justice n’est jamais tout à fait juste si elle oublie le justiciable.
Chaque jour, nous exerçons notre métier avec rigueur, engagement et une grande capacité d’adaptation. Dans un monde qui va vite, souvent sous tension, nous tenons ensemble la barre d’un système en perpétuel mouvement. Et, bien souvent, l’essentiel échappe au regard.
C’est en pensant à cela, à ce que nous faisons déjà, et à ce que nous pouvons encore améliorer, que j’ai choisi le thème qui guidera l’année 2025-2026 : La bienveillance au cœur de la justice.
Ce thème est une invitation à nous recentrer. La bienveillance, c’est se rappeler qu’au cœur de chaque dossier, chaque débat, chaque justiciable, il y a une vie, une histoire, un espoir.
Elle doit aussi exister entre collègues. Parce que ce que nous portons émotionnellement, nous ne pouvons pas toujours le porter seuls.
Se soutenir, s’écouter, se tendre la main, c’est ce qui nous permet d’avancer, ensemble, plus forts.
Le Barreau de Montréal, c’est plus de 17 000 avocates et avocats. Autant de parcours, de réalités, de façons de servir la justice. Nous sommes une communauté forte. Mais comme toute communauté, nous avons besoin d’espace pour souffler, réfléchir, nous soutenir.
La bienveillance n’est pas un geste de douceur.
C’est une posture exigeante.
Elle ne remplace ni l’autorité, ni le droit, ni la rigueur.
Elle les accompagne.
Pour donner du sens à notre travail.
Pour ceux que nous représentons.
Et pour nous-mêmes.
Ce que j’ai appris au fil des années, c’est que la manière compte autant que le résultat.
Un ton. Un regard. Une présence.
Et parfois, simplement, la confiance.
La confiance en notre client, en sa parole, en sa capacité de se relever.
C’est fragile. Et pourtant, c’est parfois ce qui soutient tout le reste et ce qui peut faire toute la différence.
Redonner confiance en la justice, c’est restaurer le lien fondamental entre le citoyen et notre système judiciaire.
Dans ma pratique en droit de la jeunesse, j’ai vu la douleur de familles déplacées, l’incompréhension face à des décisions qu’on ne leur expliquait pas toujours.
Des enfants qu’on protège en les éloignant de tout ce qu’ils connaissent.
D’autres qui grandissent entre deux systèmes, entre deux foyers, entre deux décisions… sans qu’on leur demande ce qu’ils ressentent vraiment.
Et c’est justement là que la bienveillance devient essentielle, non seulement en jeunesse, mais auprès de tous les justiciables, et plus particulièrement ceux en situation de vulnérabilité.
Quand le cadre légal est respecté, mais que la douleur demeure.
Quand les décisions sont prises, mais que l’écoute n’a pas suivie.
Quand l’intention est bonne, mais que la manière blesse.
La bienveillance ne change pas tout.
Mais elle change beaucoup.
Elle est parfois ce qui reste quand tout le reste a été imposé.
Ce thème s’inscrit dans la planification stratégique 2025-2029 adoptée cette année par le Conseil d’administration du Barreau de Montréal :
Rayonner. Collaborer. Pérenniser.
Trois axes. Un cap. Une ambition commune : servir avec engagement, ensemble.
Et si, cette année, nous choisissions chacun à notre manière de faire vivre ce thème ?
Merci de faire battre le cœur de ce Barreau.
Merci d’y contribuer avec intégrité, bienveillance et humanité.
Valérie Assouline
Bâtonnière de Montréal