Me Guy Pratte

2018-2019

 

« Les membres de la famille Pratte manquent cruellement d’originalité ». C’est ainsi et avec un sourire en coin que Me Guy Pratte, qui recevra la Médaille du Barreau de Montréal le 6 septembre prochain, explique sa décision d’entreprendre des études de droit, en référence aux nombreux membres de sa famille, immédiate et élargie, ayant mené pour leur part de brillantes carrières d’avocats et de juges.

Pourtant, l’univers juridique dans lequel il a évolué a peu influencé son choix, son inclination naturelle allant plutôt vers la philosophie. Après des études à Brébeuf où, avoue-t-il, il aurait pu remporter le prix Nobel de paresse, le natif de Québec présente des demandes d’admission en philosophie aux Universités McGill et de Montréal.

Sur la recommandation de son père, inquiet de la nonchalance manifestée par son fils, il bifurque toutefois vers l’Université Western à London en Ontario, avant de s’inscrire à la maîtrise en philosophie à l’Université de Toronto.

C’est un cours de philosophie du droit qui, en 1978, s’avère déterminant dans la décision de Me Pratte de poursuivre des études de droit qui, espère-t-il, lui permettront d’enseigner ou d’entreprendre une carrière dans le monde des affaires.

C’était sans prévoir l’intense coup de foudre pour la plaidoirie dont il est victime. Dès lors, la pratique du litige devient une brûlante passion qui ne s’est jamais refroidie depuis son admission au Barreau de l’Ontario, en 1984. C’est d’abord chez Blakes à Toronto que Me Pratte entame sa pratique. En 1988, il se joint au cabinet Scott & Aylen d’Ottawa où des dossiers de toutes natures l’amènent à plaider devant toutes les instances judiciaires.

En 2000, lors de la création du cabinet national Borden Ladner Gervais, son implication dans certains dossiers de litige québécois – dont un recours collectif contre les compagnies de tabac – l’amène à passer ses examens pour être admis au Barreau du Québec en 2002.

Partageant son temps entre Toronto, Ottawa et Montréal, Me Pratte est à même de constater les différents modèles et valeurs qui colorent les communautés juridiques de ces deux provinces. Inspiré par le mouvement pro bono, très présent en Ontario, il lance l’idée de créer une structure semblable au Québec, idée qui recevra le soutien indéfectible et essentiel de plusieurs autres membres du Barreau.

Me Pratte s’investit donc avec ardeur dans son projet et rallie plusieurs collègues de grands bureaux montréalais et membres de la magistrature. Pro Bono Québec voit le jour en 2008 et depuis, ne cesse de grandir et de confirmer sa pertinence, à une époque où l’accès à la justice est plus que jamais un enjeu d’actualité. C’est pour souligner son rôle dans la création de Pro Bono Québec que le Barreau de Montréal a choisi de lui remettre sa plus haute distinction.

L’accès à la justice est une cause chère à Me Pratte, un problème social qu’il qualifie de frustrant puisqu’on en parle depuis si longtemps – l’auteur Charles Dickens en faisait état aussi loin qu’en 1850 – sans pouvoir y remédier de façon satisfaisante.

Néanmoins, Me Pratte s’estime privilégié de travailler dans des dossiers complexes et fascinants qui lui permettent de nourrir sa passion pour la plaidoirie. Bien qu’il lui soit difficile d’identifier ses dossiers les plus marquants, la récente décision de la Cour suprême dans l’affaire Trinity Western, où il représentait le Barreau de l’Ontario, s’avère importante en droit constitutionnel et pour la défense des valeurs mises de l’avant par le Barreau. On se rappellera que l’Université chrétienne Trinity Western souhaitait ouvrir une faculté de droit excluant, entre autres, les homosexuels. Or, la Cour suprême a confirmé le droit du Barreau de l’Ontario de refuser d’accréditer ladite faculté de droit.

Me Pratte évoque également son travail dans les commissions d’enquête, celles impliquant notamment Jean Pelletier et Brian Mulroney. Au passage, il décoche quelques flèches à l’endroit de ces commissions, qui constituent à son avis des outils puissants qui doivent être maniés avec énormément de doigté, car ils sont susceptibles de ruiner des carrières et des vies.

Président de Pro Bono Ontario depuis deux ans, Me Pratte enseigne également le droit, une autre forme de plaidoirie souligne-t-il, tout en siégeant à différents conseils d’administration et en s’impliquant dans diverses causes sociales. Très sensible à la cause de la santé mentale, il a notamment siégé au conseil d’administration de la Fondation du Centre for Addiction and Mental Health. Il salue d’ailleurs l’initiative du Barreau de Montréal avec la campagne EN-TÊTE, souhaitant que les grands cabinets soient plus vocaux sur les enjeux liés à la santé mentale.

Questionné sur ses plans et ses projets, Me Pratte estime ne pas avoir atteint ses objectifs et être toujours en quête de la plaidoirie parfaite. Un jour, il entend se consacrer exclusivement à l’enseignement et à la rédaction d’ouvrages sur la philosophie du droit. Dans l’intervalle, il travaille à une biographie de son père, Yves Pratte, grand juriste et ancien président d’Air Canada. Il demeure fasciné par l’art de la persuasion et le plaisir de plaider le grise toujours autant. La conviction de ne pas avoir fait le tour du jardin lui permet de carburer aux nouveaux défis et de nourrir cette passion qui ne veut pas s’éteindre. Ainsi donc, l’extase de la victoire et l’agonie de la défaite continuent de l’animer.

À CONSULTER

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Me Guy Pratte : la passion de la plaidoirie

Par Mélanie Dugré, avocate
(Article diffusé le 23 août 2018)

ALLOCUTIONS PRONONCÉES LORS DE LA REMISE DU PRIX