Me Marie-Ève Bordeleau
Me Marie-Ève Bordeleau : s’ouvrir aux peuples autochtones
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat
(Article diffusé le 26 octobre 2021)
Membre du Barreau depuis 2007, Me Marie-Ève Bordeleau est la première femme crie avocate au Québec et est devenue, en 2018, la première commissaire aux relations avec les peuples autochtones de la Ville de Montréal. Depuis le tout début de sa carrière, elle a toujours travaillé avec passion pour améliorer les conditions de vie des peuples autochtones et ainsi faire partie de la solution.
Me Bordeleau est née en Abitibi où elle a passé les premières années de sa vie avant que sa famille ne déménage à Montréal, dans le quartier Côte-des-Neiges. D’une mère montréalaise et d’un père de la nation crie de la communauté Waswanipi, Me Bordeleau a grandi dans deux cultures où on a su lui transmettre des valeurs de réconciliation et le souhait de vouloir vivre ensemble. Après avoir obtenu son baccalauréat en droit à l’Université Laval en 2005, elle fait un stage de six mois aux îles Fidji au sein du Pacific Center for Public Integrity, un organisme non gouvernemental qui aide les communautés autochtones locales. Cette expérience lui a permis de découvrir le chemin personnel et professionnel qu’elle souhaitait prendre et l’a convaincue de devenir avocate pour aider ses frères et sœurs autochtones.
Après son barreau, elle fait son stage chez Morin Murdoch avocats, un bureau spécialisé en droit autochtone qui conseille surtout des organisations de la nation crie, souvent dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et de l’entente de la Paix des Braves. Me Bordeleau est plus que reconnaissante envers Me Guy Morin et Me Paul John Murdoch qui lui ont fait découvrir tout un monde juridique et qui l’ont accompagnée pendant ses premières années de pratique, si déterminantes pour la suite de sa carrière.
Entre 2011 et 2013, elle travaille pour l’organisme Femmes autochtones du Québec où elle agit à titre de coordonnatrice Justice et Sécurité publique. En 2013, elle ouvre son propre bureau à Kahnawake. Pratiquant toujours en droit autochtone, elle se déplace beaucoup dans les communautés pour conseiller des clients, autant sur le plan juridique que politique. Pendant plusieurs mois, elle voyage aussi dans le reste du Canada pour le Cercle national autochtone contre la violence familiale et participe au développement d’une trousse d’outils pour les travailleuses de maisons d’hébergement autochtones.
Préoccupée par les problèmes d’accès à la justice, elle fonde, en 2016, avec Me Martha Montour, une avocate de la nation mohawk, une clinique de médiation mobile : « Notre clinique nous a permis de nous déplacer dans les communautés isolées, souvent défavorisées, n’ayant pas accès à des services juridiques. Nous voulions avant tout offrir des services qui soient culturellement sécuritaires pour les clients. »
En 2018, Me Bordeleau quitte une pratique plus traditionnelle du droit et est nommée commissaire aux relations avec les peuples autochtones de la Ville de Montréal au sein du Bureau des relations gouvernementales et municipales. Dans le cadre de ses fonctions, elle conseille les élus sur tout ce qui touche les relations avec les communautés autochtones et guide la ville dans le processus de réconciliation : « La Ville de Montréal veut établir une relation de gouvernement à gouvernement avec les communautés autochtones et l’Assemblée des Premières Nations, mais aussi mettre en œuvre des programmes et projets qui ont un impact réel sur la vie urbaine autochtone. » Excellente nouvelle, son mandat initialement de trois ans a été transformé en poste permanent cette année.
Me Bordeleau est particulièrement préoccupée par l’augmentation de l’itinérance chez la population autochtone, surtout depuis le début la pandémie. Elle est toutefois fière de certaines initiatives, dont le refuge Résilience Montréal au square Chabot qui accueille les personnes en situation d’itinérance et qui a pu voir le jour grâce à l’apport de plusieurs partenaires, dont la Ville de Montréal.
Me Bordeleau invite les avocats de la section de Montréal à faire preuve d’ouverture envers la cause autochtone, à s’informer de l’histoire et des réalités de ces différents peuples, et surtout, à mettre de côté leurs préjugés : « En tant que Montréalais, nous devons tous favoriser la cohabitation sociale et continuer de lutter contre le racisme. L’amélioration des conditions de vie des différentes communautés passe par la lutte contre le racisme systémique. Il faut avant tout faire preuve d’ouverture envers son prochain et prendre conscience que nous avons tous des biais. »
Me Bordeleau est présentement en congé de maternité suite à la naissance de son petit garçon Joseph uuteyaaw’h (ce qui signifie en langue crie « la période au printemps où la neige est dure le matin, mais commence à fondre en après-midi »). À son retour au travail dans quelques mois, elle poursuivra la mise en œuvre de la stratégie de réconciliation avec les peuples autochtones adoptée par la Ville de Montréal le 4 novembre 2020 et souhaite plus que tout continuer à rencontrer des gens passionnés qui veulent faire une différence dans leur communauté.