Me Karina Kesserwan
Me Karina Kesserwan : enjeux autochtones et défis nordiques
Par Mélanie Dugré, avocate et présidente du comité de relations avec les membres
(Article diffusé le 25 juin 2019)
Fille d’une mère russe et d’un père libanais, Karina Kesserwan arrive au Québec à l’âge de 10 ans. La fillette, dont la langue maternelle est le Russe, intègre alors une classe d’accueil à Saint-Léonard et poursuit son parcours scolaire dans la langue de Molière. Dès son arrivée en terre québécoise, Karina tombe sous le charme des parcs publics et des espaces verts montréalais.
Son désir de poursuivre des études de droit s’impose rapidement et est nourri par un besoin de contribuer à la société et de lutter contre les inégalités. Elle se rappelle ses visites à la bibliothèque municipale, d’où elle rapportait des feuillets éducatifs sur divers domaines du droit, comme le droit du logement, le droit de la consommation et le droit familial. « J’avais la collection complète et lisais avec avidité le contenu de ces brochures », se souvient-elle en riant.
Entrée par la grande porte de la Faculté de droit de l’Université McGill dès la fin de ses études collégiales au Collège international des Marcelines en 2003, elle apprécie particulièrement son parcours universitaire et la dualité des systèmes de droit civil et de common law existant au Canada. Elle profite des occasions de réflexion qui lui sont offertes et qui lui permettent de se questionner sur la façon dont le droit peut contribuer davantage à l’atteinte d’objectifs sociaux.
En parallèle à ses études de droit, Karina complète un certificat en études moyen-orientales, un intérêt qui n’est pas étranger à ses racines libanaises. Elle se familiarise alors avec la langue arabe, mais aussi avec le droit islamique, un système juridique foncièrement différent du nôtre.
Par l’entremise d’une amie qui y travaillait déjà, elle se joint, en 2006, à la petite équipe d’O’Reilly et associés, un cabinet boutique spécialisé en droit autochtone. Alors étudiante en 3e année de droit, Karina est fascinée par le dévouement de Me O’Reilly envers la cause autochtone. À ce jour, il demeure parmi les avocats ayant marqué le parcours de Karina Kesserwan, en raison de la fougue et de l’ardeur avec lesquelles il s’investit dans la défense des principes de justice fondamentaux.
Ayant travaillé dans des dossiers d’envergure en litige minier, Karina décide d’entreprendre des études de 2e cycle en éthique à l’Université de Sherbrooke afin d’amener ses réflexions en matière de justice vers un contexte plus philosophique. En 2009, alors qu’elle termine ce certificat et son stage du Barreau, Karina se dirige vers la ville de Québec, où de nouveaux défis l’attendent.
Au cours des trois années suivantes, elle agit en effet à titre de conseillère politique auprès des ministres Pierre Corbeil et Geoffrey Kelley, responsables des Affaires autochtones. « La boîte à outils en politique est beaucoup plus garnie qu’en droit, ce qui permet d’élargir nos horizons et d’avoir un impact significatif pour les communautés », explique Me Kesserwan. Elle souligne la très grande compétence de nombreux fonctionnaires d’expérience et l’accès à des ressources gouvernementales afin de trouver des solutions aux défis vécus par les communautés autochtones. Elle est donc appelée à examiner la réalité autochtone en matière de santé, éducation, accès au logement et infrastructures publiques. Au cours de son mandat, Karina est soufflée par l’étendue des territoires, par ces espaces immenses qu’elle survole à bord de petits avions. Elle est touchée par l’accueil des communautés et par l’esprit de collaboration qui règne entre leurs dirigeants et les représentants du gouvernement. À la différence des litiges, au cœur desquels des intérêts divergents s’opposent, une saine communication se bâtit entre les divers intervenants qui ont comme objectif commun la recherche de solutions durables.
Après trois années dans le tourbillon de la politique québécoise, Karina choisit de diversifier ses horizons en entreprenant des études de maitrise en sociologie à Sudbury, où elle enseigne également le droit administratif et le droit constitutionnel au département Droit et Justice de l’Université Laurentienne. Dans le cadre de ses études de maitrise, Karina est appelée à étudier le projet de développement Cercle du feu, mis de l’avant par le gouvernement ontarien, et à le comparer au projet québécois Plan Nord. Cet exercice lui permet de constater que les modèles de gouvernance doivent accorder aux communautés autochtones le pouvoir de prendre des décisions afin de favoriser le succès de leur collaboration à ces projets d’envergure.
La vie ramène Karina Kesserwan à Montréal en 2013 où elle constate la difficulté d’intégrer un cabinet existant en raison de sa spécialité pointue et du ralentissement des mandats en lien avec le Plan Nord. Qu’à cela ne tienne, elle décide de fonder son propre cabinet ! Son objectif est clair : représenter les intérêts de diverses communautés autochtones et aider des entreprises qui souhaitent s’implanter dans le Nord québécois à le faire dans le respect des valeurs des communautés. C’est ainsi que Karina remplit des mandats pour des hôpitaux, des municipalités, des centres culturels et divers intervenants du monde des affaires.
S’étant éloignée du litige, elle apprécie particulièrement l’univers de la gestion de projets où de grandes réalisations naissent de petites idées. Elle s’estime privilégiée de pouvoir accompagner les communautés autochtones et leurs partenaires d’affaires dans le développement de ces projets.
Évidemment, la gestion d’un cabinet entraine son lot de défis à travers lesquels Karina doit manœuvrer afin de maintenir l’équilibre entre les tâches quotidiennes et sa passion pour le droit, tout en agissant pro bono dans certains mandats qui lui tiennent particulièrement à cœur.
Questionnée sur ses souhaits futurs, Karina Kesserwan partage son espoir de voir un nombre grandissant d’avocats s’intéresser et contribuer aux enjeux nordiques et autochtones afin d’améliorer l’accès à la justice de leurs communautés. Elle espère également trouver le temps de renouer avec l’enseignement, une discipline qu’elle affectionne particulièrement, car elle lui permet de visiter les racines du droit et d’en questionner les fondements.
Récemment nommée parmi les 100 femmes les plus influentes au Canada par le Réseau des femmes exécutives et finaliste lors de l’édition 2019 des Mercuriades dans la catégorie Relève, Femme d’exception, Karina Kesserwan a le vent dans les voiles, les deux pieds sur terre et le cœur au Nord.