Échange de stagiaires entre des cabinets de Montréal et de Shanghai
Article de Johanne Landry
Dans la foulée de l’entente de collaboration entre le Barreau de Montréal et le Barreau de Shanghai, signée en septembre 2011, un premier échange d’avocats entre les deux villes jumelées a eu lieu au printemps 2013. Objectif : approfondir de part et d’autre les connaissances sur le système juridique, la culture des affaires et l’organisation de la pratique, et bâtir des liens au sein de la communauté d’accueil. Les deux participants de cette première cohorte, Me Mélanie Fréger du cabinet Mercier Leduc et Me Frank Zhao du cabinet Jade & Fountain, racontent leur expérience respective.
L’intérêt d’un tel échange ? Acquérir de l’expérience dans une firme à l’étranger pour Me Zhao, afin de faciliter sa pratique et les communications avec les clients européens ou américains, qui constituent près de 70% de la clientèle de Jade & Fountain. « Je voulais aussi visiter le Canada depuis longtemps », ajoute-t-il.
Pour Me Fréger, c’est la curiosité de comparer différents systèmes juridiques qui l’a d’abord incitée à participer. En second lieu, une certaine connaissance de la Chine, où elle s’était déjà rendue en touriste. « Je fais du droit des affaires et du droit immobilier, élabore-t-elle, et ce stage était une occasion inouïe de réseauter, d’explorer un marché. J’ai vu qu’il y avait des possibilités d’établir là-bas un bureau de représentants. Même si on ne peut pas agir comme avocat à Shanghai, on peut, comme consultant international, être très utile sur place pour aider nos clients qui font des affaires en Chine. »
Similitudes et différences
Me Fréger a été surprise de constater combien les principes de base et les clauses des contrats sont similaires dans les deux systèmes juridiques. « Je m’attendais à davantage de différences », dit-elle, ajoutant toutefois qu’il existe quelques particularités dans les lois, comme l’obligation d’un contrat de travail écrit, alors qu’au Québec il est fréquent de ne pas en avoir.
Si Me Fréger n’a pu aller à la Cour à Shanghai – tout avocat étranger doit être autorisé par le tribunal à le faire et il faut avoir un lien très proche dans le litige pour obtenir cette autorisation – Me Zhao a eu, de son côté, la chance d’accompagner ses collègues montréalais au tribunal, où il a constaté quelques différences. « Nous n’avons pas l’obligation de porter la toge, mentionne-t-il. Nous n’avons pas non plus d’interrogatoire, seulement un échange de pièces et de preuves. En Chine, le juge dans une cause civile a une limite de temps pour rendre sa décision, le délai étant clairement spécifié dans la loi : six mois après l’ouverture de la cause en première instance et trois mois en appel. Au Québec, le taux de résolution par entente est élevé, alors qu’en Chine c’est le contraire, étant donné que les délais sont rapides. »
Connaissances enrichies, carnet de contacts mieux garni
Me Frank Zhao considère que le mois passé à Montréal aidera au développement de sa carrière. Il se réjouit également d’avoir établi des contacts professionnels et amicaux et de mieux connaître le système juridique québécois. « J’ai aussi appris sur la culture des entreprises d’ici, ajoute-t-il, et sur le fonctionnement des cabinets d’avocats. Ces connaissances vont élargir mes horizons et m’aider à mieux comprendre mes clients étrangers, leurs besoins et leurs questionnements. » Inclure à son CV un stage dans un cabinet nord-américain lui ajoute de la valeur, car les clients internationaux recherchent souvent des avocats avec une expérience outremer ou qui ont étudié à l’étranger, fait-il remarquer.
Du côté de Me Mélanie Fréger, il est encore trop tôt pour évaluer ce que l’expérience va changer dans un futur proche. « Je reviens avec une plus grande ouverture d’esprit, souligne-t-elle toutefois, et moins d’inquiétudes par rapport aux communautés d’affaires à l’étranger. Je compte absolument entretenir des liens avec les gens rencontrés là-bas, des entrepreneurs et des gens d’affaires de la Suisse, des Pays-Bas, de l’Australie, des États-Unis, d’Italie ou d’Espagne, ainsi qu’avec la communauté chinoise d’ici, maintenant plus facile à approcher. »
Expériences positives
Me Frank Zhao a vécu à Montréal durant un mois. Il a particulièrement apprécié la beauté de la métropole et de la capitale, qu’il qualifie de villes magnifiques. Il a également adoré être initié par ses collègues à la nourriture locale, entre autres la poutine et le smoked meat. « J’ai ressenti l’hospitalité des gens, ajoute-t-il. J’ai même été invité dans la famille d’un collègue pour son anniversaire. » Dans ses bagages, il a rapporté de nombreuses photos de gens et de lieux afin de mieux se souvenir des bons moments passés ici; ainsi que du vin de glace et du sirop d’érable.
Me Mélanie Fréger a vécu à Shanghai pendant trois mois. « Super », s’exclame-t-elle pour qualifier son expérience. Soutenue et aidée par ses colocataires et par ses collègues, elle a pu sortir, visiter et apprécier la ville qui, souligne-t-elle, est un monde en soi, rempli de possibilités et d’activités. « Ce qui m’a le plus agréablement surprise, c’est que la plupart des avocats que j’ai rencontrés avaient étudié à l’international. J’ai vu leur motivation à s’ouvrir à l’international, qui pour eux, semble être la base », dit celle qui considère la Chine comme son nouveau pays d’adoption asiatique.
Se préparer, s’intégrer et sortir
Les deux stagiaires de la première cohorte ont-ils des conseils à donner à ceux qui les suivront ? « Préparer ses documents avec soin pour qu’ils soient prêts à temps, mentionne d’abord Me Zhao, qui a vu son séjour écourté à cause d’un retard dans l’obtention d’un visa. Puis faire de la recherche sur la culture, l’histoire et la nourriture locales, ce qui aidera à mieux comprendre ce qui se passe et ce qui se vit dans la ville d’accueil. S’informer également sur le climat pour apporter les vêtements appropriés, ainsi que sur les moyens de transport. »
Soulignant qu’elle a eu la chance d’avoir des contacts clés pour trouver un appartement à Shanghai, Me Fréger fait remarquer que l’intégration pourrait être plus difficile pour quelqu’un qui n’est jamais allé dans la ville d’accueil et recommande davantage d’encadrement et d’échanges avec les organisateurs du programme pendant le stage. « Penser à une période de stage un peu plus courte, car une absence de trois mois peut être difficile à gérer pour le cabinet qui laisse partir un avocat. Si j’avais un autre conseil à donner aux futurs participants, ajoute Me Fréger, c’est de ne pas se limiter au bureau où ils seront accueillis et de sortir fréquenter des événements, ceux des chambres de commerce entre autres. »
Tous deux considèrent ce genre d’échange positif et important. « Il y a de plus en plus d’activités et de liens entre les entreprises et les personnes de Montréal et de Shanghai », conclut Me Frank Zhao.