La profession d’avocat… Pourquoi ce malaise ? – 25 mai 2011

(FRENCH ONLY)

Les avocats : des mal-aimés
Par Rollande Parent

Les avocats sont impopulaires. Les médias présentent d’eux une image négative. Une situation inévitable qui tient à la nature même de leur travail. Un malaise qui est là pour rester. Pourrait-il être atténué?

Des pistes prometteuses ont été lancées, le 25 mai, lors du colloque du Barreau de Montréal tenu à l’initiative du comité sur l’éthique et l’image de l’avocat.

Environ 75 avocats étaient présents pour écouter le point de vue des journalistes Yves Boisvert (La Presse) et Jean Lapierre (TVA) et de Me Guy Lefebvre de l’Université de Montréal. Me Anne-Marie Dussault voyait à l’animation.

D’entrée de jeu, Yves Boisvert a lié l’impopularité des avocats au fait qu’ils sont toujours associés à des conflits et aux coûts importants de la justice. Ils jouent le rôle de porte-parole de gens contre qui pèsent des accusations, parfois très lourdes. En outre, la logique de confrontation fait en sorte qu’en fin de compte, il y a forcément un gagnant et un perdant. Et le perdant a tendance à croire que son avocat lui a coûté trop cher.

Pour Jean Lapierre, «Les avocats n’ont pas à être populaires, mais justes.» Il ne voit pas pour quelles raisons ils auraient la faveur populaire, qu’ils seraient sur un piédestal. «De nos jours, personne n’y reste. Ni les membres du clergé, ni les politiciens.»

Pour sa part, Me Lefebvre, professeur et vice-doyen au développement et aux études supérieures, n’est pas étonné de la mauvaise image des avocats à la lumière de l’augmentation des problèmes de déontologie. Des statistiques de 2010 démontrent que sur les 12 000 avocats québécois en pratique privée, 1 174 ont été visés par des plaintes en déontologie pour un total de 3 184 plaintes. Des statistiques qu’il juge «préoccupantes».

Le journaliste de La Presse a alors dénoncé «la lenteur d’examen des plaintes» et le peu de mordant du syndic. «Des gens continuent de pratiquer sans que le syndic fasse la moindre action un peu agressive.», sauf pour la mauvaise gestion des comptes en fidéicommis.

Voies prometteuses

Dans certains pays, les avocats sont mieux perçus qu’ailleurs par la population. Ils jouissent d’une meilleure image, de par leur implication et de par la réduction d’irritants.

En Écosse, par exemple, ils sont nombreux à donner de leur temps à des groupes communautaires. Au profit des moins fortunés, les avocats écossais acceptent de s’occuper de dossiers sans réclamer d’honoraires. Pendant ce temps, ici, au cours des 30 dernières années, le travail bénévole des avocats a beaucoup diminué, a soutenu le vice-doyen Lefebvre.

Me Michèle Moreau, directrice générale de Pro Bono Québec, qui assistait à la conférence, a rappelé la création de cet organisme, dont la mission est «de promouvoir et de coordonner le travail juridique pro bono afin d’apporter une solution aux dossiers à caractère exceptionnel, d’intérêt public ou à ceux pour lesquels un tort irréparable pourrait être causé à un citoyen ou à un groupe de citoyens incapables économiquement de faire valoir leurs droits». On ose croire que l’image de l’avocat s’en trouvera améliorée.

Un coup de barre donné en Allemagne relativement aux coûts des services des avocats leur a valu un courant de sympathie dans la population. Les gens peuvent connaître à l’avance le coût des procédures, qui est établi en fonction de la somme d’argent en litige. «La rémunération de l’avocat est plafonnée en fonction du montant en jeu», a indiqué le journaliste Boisvert. On sait qu’un des irritants majeurs face à l’avocat est justement la difficulté pour le client de parvenir à avoir une idée des coûts qu’il devra assumer.

D’autres sources de frustration, d’ailleurs maintes fois mises en lumière par les plaintes portées auprès du syndic, ont trait à la communication avocat-client, comme l’insuffisance de détails dans les factures ou le retard à donner des nouvelles au client qui s’interroge sur l’avancée de son dossier.

Ce qui a fait dire au vice-doyen Lefebvre qu’il ne suffit pas à l’avocat de bien connaître son droit. Il lui faut développer des habiletés de communication et de la psychologie.

Ha! Les honoraires 

Cela dit, la question des honoraires des avocats demeure la plus sensible. De nombreuses protestations ont été entendues à la suite de la publication des factures des avocats ayant participé aux travaux de la commission Bastarache. Les taux horaires jugés démesurés ont créé un malaise. «Une personne, qui gagne 30 $ de l’heure en travaillant fort, trouvera toujours que l’avocat qui charge 200 $ l’heure coûte trop cher», a fait valoir Jean Lapierre.

Yves Boisvert estime que les avocats doivent tenir compte qu’il s’agit de fonds publics, sinon les commissions d’enquête, menées pour le bien public, vont disparaître parce qu’on n’aura plus les moyens de se les payer.

Sa suggestion : établir un plafond à cette rémunération. «J’ai de la misère à accepter que les avocats chargent aux fonds publics ce qu’ils chargeraient aux corporations.»

Un participant a suggéré de recourir aux services des avocats permanents du gouvernement. L’idée lancée en fin de discussion pourrait bien faire son chemin. À suivre. Bref, cette conférence a suscité de nombreux échanges entre participants et l’évidente préparation des panélistes a réjoui l’assemblée.