Me Michèle Moreau

Me Michèle Moreau : suivre sa bonne étoile
Par Mélanie Dugré, avocate
(Article diffusé le 24 janvier 2017)

Devenir pilote de Formule 1, tel était le rêve d’enfant de Michèle Moreau, une femme entière et passionnée, née à Hauterive sur la Côte-Nord. Jusqu’à l’âge de huit ans, la jeune Michèle et sa famille trimballent leur baluchon de ville en ville, au rythme des besoins d’Hydro-Québec, l’employeur de son père. Aux dires de Michèle, elle doit à cette enfance nomade sa très grande faculté d’adaptation et sa résilience devant des situations déstabilisantes.

La famille de Michèle pose définitivement ses valises à Longueuil en 1973. Le rêve de Formule 1 a désormais cédé la place à celui de journalisme et Michèle planifie déjà la suite de ses études en fonction de cet objectif. Avec en tête l’idée de gagner en maturité et en expérience, elle termine d’abord une année en sciences politiques à l’Université Laval, avant de poursuivre en droit à l’Université de Montréal en 1986. À ce moment, le droit représente pour Michèle le tremplin qui la mènera vers le journalisme, idée dont elle ne démord pas au cours des années subséquentes.

Cependant, l’expérience du stage est déterminante pour Michèle. Elle passe les trois premiers mois auprès d’un avocat désorganisé, qui sera ultérieurement radié du Barreau. À son premier jour de stage, elle atterrit devant la Cour d’appel, où elle reçoit les éloges du Juge Vallerand. Malgré les embûches rencontrées et le manque d’encadrement, Michèle est victime d’un véritable coup de foudre pour le litige et prend conscience de la place qu’occupe le droit dans la vie quotidienne des individus. Elle réalise alors le pouvoir que peuvent exercer les avocats et l’importance de la relation d’aide et de soutien qu’ils peuvent nouer avec leurs concitoyens. Sans doute ni regret, Michèle troque son ambition de journalisme pour une carrière d’avocate, qui la comble depuis maintenant plus de 25 ans.

Michèle termine finalement son stage au sein d’un petit cabinet de litige commercial, avant de bourlinguer dans différents bureaux jusqu’en 1998. Elle développe un intérêt et une expertise en droit du travail, ce qui la mène à l’UQAM, où elle occupe divers postes en relations de travail, dont celui de directrice adjointe à compter de 2001. Cette pratique exige de Michèle polyvalence et débrouillardise puisqu’elle est appelée à plaider devant diverses instances judiciaires et administratives. Forte de son expérience, Michèle n’hésite pas à partager son savoir et son expertise en enseignant aux étudiants de l’École du Barreau de 2005 à 2009.

Parallèlement à sa pratique, Michèle s’implique intensément au sein de la communauté juridique, d’abord à l’AJBM où, dès 1995, elle siège à plusieurs comités avant d’agir comme secrétaire générale entre 1998 et 2000. De 2000 à 2009, Michèle s’illustre au Barreau de Montréal en laissant son empreinte au sein du Conseil et de nombreux comités, dont le comité du service de mentorat, l’Éco-Comité, le comité de liaison avec la Commission des relations du travail, tout en agissant comme bénévole lors de la Journée du Barreau et des prestations collectives de serment. Parmi ses coups de cœur au Barreau de Montréal, elle souligne le concours des débats oratoires, qui met en lumière le talent et l’immense potentiel des jeunes, pour lequel elle fut la modératrice attitrée pendant 10 ans. C’est d’ailleurs avec un pincement au cœur qu’elle doit céder sa place cette année.

Par ailleurs, l’ABC peut également compter sur les loyaux services de Me Moreau alors qu’à compter de 2006, elle s’implique à la division du Québec, en assumant même la présidence en 2013-2014 et 2015-2016. La plateforme nationale n’attendait plus qu’elle, mais là aussi, les récents bouleversements survenus dans sa vie professionnelle l’obligent à faire des choix déchirants.

Avide de changements et fuyant le confort, Michèle Moreau quitte l’UQAM en 2009 afin de fonder l’organisme Pro Bono Québec. Si ses tâches de directrice générale relèvent désormais plus de la gestion que du droit pur, elle demeure en terrain connu puisque les mandats pro bono, elle connaît ! Michèle précise en effet que depuis son admission au Barreau, elle s’implique régulièrement dans des dossiers pro bono, car ces mandats représentent pour elle un prolongement naturel de sa pratique et une dimension incontournable de la relation d’aide liant l’avocat et son client.

Née lors d’une réunion du Conseil général du Barreau du Québec à Tadoussac, l’idée de Pro Bono Québec devient rapidement le bébé de Michèle, qui le dorlote et le chouchoute. Ne disposant au départ que d’un téléphone et un ordinateur, elle bâtit l’organisme de ses mains, le voyant peu à peu s’épanouir et trouver sa place au sein de la communauté juridique. En 2011, les talents de gestionnaire de Michèle Moreau sont sollicités afin de diriger la mise sur pied du Centre de justice de proximité du grand Montréal, offre qu’elle accepte avec enthousiasme, sans pour autant abandonner ses fonctions chez Pro Bono Québec.

Puis, avec un certain déchirement maternel, Michèle laisse ses deux bébés, devenus solides et autonomes, voler sans elle en se joignant à l’Institut canadien d’administration de la justice (ICAJ), où on lui donne une grande latitude quant aux nouvelles orientations des activités et projets de l’organisme. En 2015, Me Moreau dirige l’organisation de la conférence annuelle de l’ICAJ, dont le thème, clin d’œil du destin sans doute, porte sur les Autochtones et le droit. À cette occasion, elle constate combien les lois et coutumes des Autochtones prennent racine dans leurs danses, chansons et folklore. Elle noue de nombreux liens avec des membres des communautés autochtones et les décideurs qui y gravitent. Instantanément, Michèle se sent interpellée par ce sujet à la fois délicat et passionnant, et exprime le désir de contribuer à la cause.

Pleinement satisfaite de son sort à l’ICAJ, Michèle Moreau est attablée avec des collègues à Ottawa au moment où on annonce la création de la Commission d’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui se cherche alors un directeur général. Convaincue que le poste est taillé sur mesure pour elle et que son parcours l’a préparée à un tel défi, et sur recommandation d’un collègue, elle s’empresse d’offrir ses services à Michèle Audette, une des cinq commissaires désignés. La suite déboule à vitesse grand V avec le début des travaux de la Commission en septembre 2016 et le déménagement de Michèle à Vancouver en décembre dernier.

La tâche de Michèle est titanesque et son rôle consiste à participer à l’élaboration des grandes orientations de l’Enquête nationale, coordonner les relations avec les gouvernements et assurer les opérations logistiques des cinq bureaux répartis à travers le Canada relativement aux ressources humaines, aux finances, à la gestion de l’information et aux technologies. À cela s’ajoute le défi de s’assurer que les processus de la Commission seront adaptés et respectueux des mœurs de l’ensemble des communautés autochtones qui participeront à l’Enquête nationale. Ultimement, Michèle souhaite que la Commission puisse leur offrir un climat qui leur permettra de témoigner des horreurs et tragédies vécues aussi sereinement que possible, ce qui, en soi, représente une immense responsabilité sociale envers les Autochtones concernés.

Michèle admet que le niveau de difficulté de ce nouveau mandat, qu’elle évalue avec humour à 15/10, est désarmant, avec des délais serrés, voire irréalistes: un rapport intérimaire prévu pour novembre 2017 et un rapport final pour la fin de 2018. Cependant, elle est prête à braver vents et marées afin de soutenir la Commission dans sa mission et elle s’avoue grisée par l’ampleur de ce défi.

Michèle Moreau résume son impressionnant parcours en soulignant qu’elle est née sous une bonne étoile et qu’elle a toujours suivi son instinct. Il l’a parfois trompée et déçue, mais chaque expérience de vie a contribué à faire d’elle l’avocate et la femme qu’elle est devenue. C’est donc sur une juriste accomplie, passionnée et dévouée que cette importante commission d’enquête, dont les travaux marqueront l’histoire du Canada, peut compter. 2017 s’annonce comme une année charnière pour Michèle Moreau, au cours de laquelle son humanité, sa sensibilité et son empathie seront de précieuses alliées, alors que sa bonne étoile continuera assurément de la guider.