Me Audrey Boctor

Me Audrey Boctor : La passion du droit et des enjeux humains

Par Mélanie Dugré, avocate
(Article diffusé le 12 février 2019)

Audrey Boctor grandit en Saskatchewan, d’abord à Régina puis à Saskatoon où elle fréquente des écoles d’immersion française. Elle entame ses études supérieures en complétant un baccalauréat en français et sciences politiques, obtenant la médaille d’or pour ses résultats exceptionnels, à l’Université Western en Ontario. Ayant toujours souhaité vivre dans un environnement francophone, elle saisit par la suite l’occasion que lui offre l’Université McGill en s’y inscrivant au programme conjoint droit civil/common law en 2001. Ses débuts sont parsemés d’incertitudes, mais un certain professeur, aujourd’hui ministre fédéral de la Justice, David Lametti, la convainc qu’elle a sa place au sein de la Faculté de droit et qu’elle a tout le potentiel pour devenir une excellente juriste.

Audrey Boctor poursuit donc sa route et accumule des expériences diversifiées pendant la saison estivale, d’abord à Toronto puis New York, avant d’effectuer un stage de quatre mois au Tribunal pénal international pour le Rwanda. Après ses cours du Barreau de l’Ontario, elle se dirige en septembre 2005 vers la Cour suprême du Canada où elle a le privilège de travailler à titre d’auxiliaire juridique auprès de la très honorable Beverley McLachlin. La rigueur, l’efficacité et les qualités humaines de la juge McLachlin impressionnent grandement Audrey, tout comme son travail acharné pour accroitre la visibilité de la Cour suprême sur la scène internationale.

Après cette expérience unique, Audrey, qui est également attirée vers une carrière académique, complète un Fellowship à l’Université Columbia de New York, ce qui lui permet de développer ses aptitudes d’enseignement en offrant le cour « Legal Practice Workshop ». Elle s’y plait, mais se surprend à souhaiter contribuer au développement du droit de manière plus concrète, « sur le terrain ». Elle est donc bien servie lorsqu’elle joint les rangs du cabinet new-yorkais Cleary Gottlieb Steen & Hamilton LLP, la veille de la chute de Lehman Brothers. Elle est alors plongée dans une tempête au milieu de laquelle elle développe expérience et connaissances en matière de réglementation et de finance américaine.

En 2010, une évidence s’impose soudainement : Audrey s’ennuie du Canada et souhaite y revenir pour s’y établir. Elle sait qu’elle veut exercer en litige au sein d’un cabinet boutique sans structure hiérarchique rigide. Elle connait la réputation de Irving Mitchell Kalichman et elle est bien au fait d’un dossier qui l’intéresse particulièrement : l’affaire Kazemi, impliquant des procédures contre le gouvernement iranien. Audrey se joint donc à l’équipe de IMK en septembre 2010 et a dès lors le privilège de participer activement au dossier Kazemi. Malgré la défaite en Cour suprême, les efforts investis et la qualité du travail accompli par IMK, sur une base pro bono, sont révélateurs des valeurs du cabinet et rendent Audrey fière d’en faire partie. Membre du conseil d’administration de l’Association canadienne des libertés civiles, elle agit elle-même à titre d’avocate pro bono dans plusieurs dossiers, incluant Villeneuve c. Ville de Montréal, relatif au port du masque lors de manifestations et à l’obligation de soumettre un itinéraire.

Lentement mais sûrement, les défis d’envergure se succèdent dans la carrière d’Audrey Boctor. Elle est notamment impliquée dans le dossier Churchill Falls et dans l’action collective entreprise contre le gouvernement fédéral en lien avec la purge LGBT survenue au sein des forces armées, de la GRC et de la fonction publique fédérale. Un règlement intervient en 2017 et des excuses officielles sont même offertes par le Premier ministre Justin Trudeau. Audrey souligne l’esprit de collaboration qui anime les relations entre les procureurs des différentes parties depuis le début des procédures. Le dossier en est maintenant à l’étape des réclamations, dont le processus se veut non-adversarial pour les victimes. Son travail à titre d’avocate principale du groupe au Québec vaut d’ailleurs à Audrey, conjointement avec la représentante du groupe Martine Roy, le Prix Phénicia 2018, qui est remis par la Chambre de commerce LGBT du Québec.

En décembre 2018, Audrey a l’immense privilège d’être choisie pour agir à titre d’Amicus Curiae auprès de la Cour suprême du Canada. Elle est alors appelée à offrir sa vision et son point de vue, en compagnie du professeur Daniel Jutras, sur la norme de contrôle applicable en droit administratif canadien. Au fil des années, Audrey maintient par ailleurs son lien avec le milieu universitaire en enseignant aux Facultés de droit des Universités McGill et de Montréal.

Un autre dossier d’importance, ayant débuté en 2014, occupe en ce moment la vie d’Audrey Boctor : l’audition devant la Cour supérieure du recours visant à invalider plusieurs dispositions du Code Civil du Québec qui empêchent à certains individus de modifier leur nom et leur désignation de sexe, tout en imposant à tous l’identification binaire « M ou F ».

L’implication au sein d’associations professionnelles et communautaires est également une valeur phare pour Audrey. Après plusieurs années à siéger à différents comités, elle assume présentement la présidence de la division du Québec de l’Association du Barreau canadien jusqu’en juin prochain, alors qu’elle cédera sa place à Me Pascale Pageau, Ad. E. Le Centre communautaire Tyndale St-George, qui soutient une population défavorisée, est particulièrement cher à son cœur. Son regretté collègue et mentor Colin Irving a pavé la voie en donnant temps et énergie à cette organisation et en y fondant une clinique juridique. Audrey est fière de constater que la pérennité de la clinique juridique Tyndale est désormais assurée grâce à son association à la Clinique juridique du Mile-End et au soutien financier d’IMK en l’honneur de Colin Irving.

Audrey évoque avec respect, admiration et reconnaissance le rôle déterminant que des mentors comme David Lametti, Beverley McLachlin, Doug Mitchell et Peter Kalichman ont joué dans son parcours professionnel et les valeurs qu’ils lui ont transmises. Audrey Boctor, étoile montante de nombreux palmarès juridiques, estime que le temps est venu pour elle de donner au suivant et d’investir dans l’incroyable relève de son cabinet en offrant à son tour soutien et mentorat aux jeunes avocats talentueux qui l’entourent.

Le parcours exceptionnel et inspirant d’Audrey Boctor suscite le respect et l’admiration, tout en donnant un certain vertige tant il est riche et diversifié. Audrey reconnait que sa vie est très remplie, mais la passion qu’elle éprouve pour son travail et sa profession la transporte et l’amène à se dépasser. Elle célèbre ses victoires avec discrétion et humilité, et retient de précieuses leçons lors des défaites. Elle s’estime choyée et infiniment privilégiée d’être entourée de collègues qui partagent sa vision positive et qui, comme elle, aiment se rappeler que : « Misery loves company but enthusiasm is contagious ».