Gala du 70e anniversaire de l’accession des femmes à la profession
Article par Johanne Landry
Mercredi 21 mars, Hôtel InterContinental, salon Sarah-Bernhardt, le Barreau de Montréal a souligné le 70e anniversaire de l’accession des femmes à la profession en rendant hommage aux pionnières, mais aussi en donnant la parole à des avocates dont les carrières appellent le succès et inspirent au dépassement. Pouvoir choisir sa profession et son style de vie et avoir le droit d’aspirer à la concrétisation de tous ses rêves constituent des gains si précieux, en effet, qu’ils méritent d’être célébrés.
Me Elizabeth Greene, bâtonnière de Montréal, a d’abord remercié le comité organisateur de l’événement. En cette soirée de réjouissance, elle a toutefois rappelé qu’il existe encore des situations inacceptables ailleurs dans le monde. « Voilà pourquoi, tout en célébrant le 70e anniversaire de l’accession des femmes au Barreau, nous devons continuer à lutter tous ensemble, hommes et femmes, contre les abus », a déclaré Me Greene.
En lien avec le contexte de cette soirée dédiée aux femmes, le Barreau de Montréal a remis un chèque de 5000 $ à la Société Elizabeth Fry du Québec, un organisme communautaire qui vient en aide à celles qui doivent faire face à la justice pénale et qui sont déterminées à s’en sortir, bien qu’incapables d’y parvenir seules. La directrice générale de l’organisation, madame Ruth Gagnon, a reçu le chèque et remercié le Barreau.
Surmonter les embûches
C’est avec humour que l’honorable Louise Mailhot a raconté ses expériences de pionnière. Première femme stagiaire au cabinet qui l’a embauchée en début de carrière et première femme nommée juge à la Cour d’appel du Québec à Montréal, « l’accès des femmes à la pratique du droit est une histoire de persévérance et de solidarité, une course à relais », a-t-elle commenté avant de partager ses propres souvenirs d’un parcours parsemé d’obstacles.
Première embûche : convaincre son père de la laisser s’inscrire à l’université, à une époque où l’on croyait que le bonheur d’une jeune femme ne se trouvait pas dans l’accomplissement d’une carrière. Deuxième embûche : le refus de son premier employeur de la voir plaider, de crainte que les clients n’apprécient pas d’être représentés par une femme et que les juges ne lui accordent pas de crédibilité. Troisième embûche : une diminution de salaire quand elle a eu son premier enfant, malgré son statut d’associée. La maternité s’associait alors automatiquement, dans les perceptions, avec une diminution de la disponibilité.
Cette défricheuse a aussi raconté quelques anecdotes qui ont démontré le chemin parcouru depuis les dernières décennies. Au Cercle de la garnison à Québec, on lui a un jour demandé d’entrer par la seconde porte, les femmes n’ayant pas le droit d’utiliser celle réservée aux hommes. Tous les membres du Comité administratif du Barreau l’ont alors accompagnée en guise de soutien. Dans un club de golf, elle a bravé l’interdiction faite aux femmes d’entrer dans une pièce réservée aux hommes. Elle s’y est tranquillement installée avec une eau pétillante à l’heure de l’apéro.
En 1966, année de l’admission de Me Louise Mailhot au Barreau, il n’y avait que 3 % de femmes parmi les membres. En 1980, année de son accession à la magistrature, il n’y avait que 4,5 % de femmes parmi les juges. Cette année, les étudiantes sont plus nombreuses que les étudiants à l’École du Barreau. « Les femmes ont pris la place qui leur revient, a-t-elle déclaré. Il faut s’en réjouir et rester vigilante. Des difficultés persistent dans la façon de conjuguer pratique active et vie de famille. C’est le défi de la nouvelle génération : trouver ensemble les moyens d’y arriver. Maintenant, pas demain. Les jeunes pères y aspirent autant que les jeunes mères. »
Des femmes inspirantes
Le repas a été suivi d’une présentation vidéo : les témoignages de 13 avocates assermentées depuis les années cinquante. « Le but de ce merveilleux projet est d’inspirer les femmes de tous âges, leur rappeler le parcours accompli dans le passé et leur donner des conseils pour le futur », a commenté Me Doris Larrivée, première femme à assumer la direction générale du Barreau de Montréal.
Me Kathryn Mason (1955), aujourd’hui retraitée, a parlé d’un temps où les avocates n’avaient pas de vestiaire au Palais de Justice et devait transporter leur manteau avec elle toute la journée.
L’honorable Nicole Duval Hesler (1968), juge en chef du Québec, a rappelé que la maternité peut présenter un obstacle à l’avancement des femmes. « Même si les jeunes pères les soutiennent, il reste que c’est une situation qui évolue très lentement. »
L’honorable Sylviane Borenstein (1967), juge à la Cour supérieure et première bâtonnière du Québec: « Ce dont je suis le plus fière, c’est d’avoir réussi à mener une carrière intéressante tout en élevant quatre enfants. Le secret de la réussite : ne pas avoir peur de perdre, foncer sans prêter attention à ce que les gens disent. »
L’honorable Elizabeth Corte (1974), juge en chef de la Cour du Québec : « Une des choses que les femmes ont apportée à la profession d’avocate et à la Magistrature, comme partout ailleurs, c’est un meilleur équilibre entre le travail, la vie personnelle et la vie familiale. »
Me Marie Giguère (1976), première vice-présidente, Affaires juridiques et secrétariat, Caisse de dépôt et placement du Québec : « Je pense que les femmes apportent à la profession ce qu’elles apportent en général au monde des affaires, un point de vue différent. »
Me Lucie Lamarche (1978), professeur titulaire à la Faculté de droit, Université d’Ottawa, a dit bravo à la déclaration de principes relative à la conciliation travail-famille du Barreau, « un message pour moi porteur de transformations institutionnelles et commerciales importantes. »
Me Isabel J. Schurman (1984), associée chez Schurman Longo Grenier a conseillé à ses consœurs de toujours garder l’esprit ouvert afin de créer des solutions.
Me Robin Schiller (1984), du cabinet Handelman Handelman & Schiller, aussi membre du comité des avocates dans la profession du Barreau de Montréal et présidente de l’Association de droit Lord Reading, a témoigné à l’effet que mener de front toutes ces activités et vivre une vie de famille équilibrée était chose possible.
Me Tamara Thermitus (1988), du ministère de la Justice du Canada a voulu partager les trois valeurs inculquées par ses parents : le courage, l’intégrité et le travail, soulignant que « l’héritage de l’immigration, c’est comprendre que nos parents ont laissé des choses derrière pour que nous ayons une vie meilleure. Pour eux, c’est important que nous réussissions. »
Me Sylvie Champagne (1996), secrétaire de l’Ordre et directrice du contentieux au Barreau du Québec, a raconté faire un bel exercice d’imagination avec sa fille de huit ans lorsque cette dernière lui demande « maman, à quoi puis-je rêver ? ». Alors que tout est possible pour les filles, aujourd’hui, que répondait une mère, il y a 70 ans, quand sa fillette lui posait la même question ?
Me Chantal Chatelain (1993), associée chez Langlois Kronström Desjardins : « Le plus grand défi de notre carrière est de bâtir au jour le jour notre capital de crédibilité. Ayez confiance et dégagez de la confiance. »
Me Gacia Kazandjian (2005), du cabinet André R.Dorais, a cité Confucius : « Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie ».
La cadette Ashley Kandestin, actuellement stagiaire, a pour sa part remercié toutes les femmes qui ont fait en sorte qu’elle-même et ses collègues puissent profiter d’un bel avenir.
Me Elizabeth C. Monk, la première
Me J. Vincent O’Donnell, qui a eu l’occasion de travailler avec Me Monk, décédée en 1980, était présent à cette soirée. Il a fait son éloge et relaté les nombreuses médailles et distinctions qu’elle a reçues tout au long de ses études et de sa carrière.
Enfin, l’honorable Anne-Marie Trahan a parlé du University Women’s Club of Montreal où elle a rencontré des professionnelles inspirantes. Elle a également souligné que Me Monk avait légué, au moment de son décès, une somme d’argent qui permettra d’organiser les Conférences de Me Elizabeth Monk, où des femmes de renom prononceront des paroles de sagesse et d’inspiration.
Pour conclure, l’animatrice Me Martine L. Tremblay a procédé au tirage de prix de présence. Mentionnons également que les commanditaires ont offert des cadeaux à toutes les femmes qui ont assisté à la soirée.