Programme d’échange Montréal-Shanghai : Favoriser le développement des affaires

Article de Johanne Landry

En 2015, des cabinets montréalais ont accueilli des avocats chinois dans le cadre de la deuxième édition du programme d’échange Montréal-Shanghai. Stagiaires et représentants des cabinets parlent de leur expérience.

Me Yi Gong est associé directeur du Shanghai YuanFa Law firm et pratique en droit commercial et des affaires. Me Cheryl Jin pratique dans les domaines du droit des fusions et acquisitions, investissements étrangers et propriété intellectuelle, entre autres, au cabinet Jade & Fountain PRC Layers. Ils ont respectivement passé un mois chez Lapointe Rosenstein Marchand Melançon et chez Fasken Martineau. Qu’est-ce qui les a attirés dans ce programme ?

« Nous avions le choix entre d’autres pays, mais je connaissais Montréal pour y avoir déjà étudié durant quelques années. Le Québec est la seule province canadienne avec un Code civil qui est similaire à celui de la Chine. Ma femme et mon fils sont Canadiens, ils reviendront probablement au Canada dans l’avenir, c’était donc une belle occasion pour moi d’explorer les occasions d’affaires ici. » Me Jin poursuit : « C’est une excellente idée de la part des deux barreaux d’avoir institué ce programme qui nous donne l’occasion d’acquérir une expérience de travail et des contacts qu’il serait difficile d’avoir individuellement. »

Et du côté des cabinets d’accueil, qu’en ont-ils retirés ? Des échanges culturels fort intéressants et l’occasion pour tous les avocats du bureau d’entendre une conférence prononcée par Me Jin sur l’investissement en Chine, ce qui a permis de bien comprendre les besoins des clients qui font des affaires en Asie, mentionne Me Ponora Ang. « Passer un mois avec une personne curieuse et ouverte à connaître de nouvelles choses, pouvoir participer à cet enrichissement et gagner une amie, le facteur humain est aussi un grand avantage de cette expérience », ajoute-t-il. Me Ang a fait partie de ceux qui ont parrainé Me Jin chez Fasken Martineau, qui lui ont fait rencontrer des clients et l’ont emmenée à la Cour. Me Peter Villani, Me Jean Masson et Me Benoit Turmel ont fait de même. Partager les activités d’accueil entre différents membres du cabinet a permis à Me Jin d’être en contact avec un plus grand éventail de domaines et d’aspects et a allégé la tâche des avocats montréalais. Car, même s’il s’agit d’un rôle valorisant que celui d’aider une stagiaire chinoise à apprendre les façons de faire canadiennes (Me Jin a également pu se rendre dans les bureaux de Toronto et d’Ottawa), reste qu’il faut aussi continuer à bien servir ses clients.

Chez Lapointe Rosenstein Marchand Melançon, c’est Me Selena Lu qui a entrepris le processus pour accueillir un stagiaire chinois et qui a joué le rôle de marraine auprès de Me Gong. « Il a constitué une plus value pour nos clients intéressés par la Chine qui ont pu lui poser des questions sur la façon de négocier là-bas, entre autres. Il leur a donné des conseils et à l’aide d’exemples concrets, il les aidés dans leur démarche », dit Me Lu.

Prévoir des activités à l’avance

Comment un cabinet peut-il bien se préparer à accueillir un stagiaire chinois qui, bien entendu, ne peut donner aucune opinion juridique au Québec ? En prévoyant des façons de l’exposer à différentes expériences au niveau de la profession, mais en allant au-delà, en la faisant inviter à des cocktails où elle rencontrera des clients et en l’amenant à des événements de réseautage de diverses organisations, dit Me Ang.

« De notre côté, certains de nos avocats ont planifié des rencontres entre leurs clients et Me Gong » relate Me Lu qui, lorsqu’on lui demande quels conseils elle donnerait à un cabinet qui veut accueillir un stagiaire étranger, souligne l’importance de s’y prendre à l’avance pour bien remplir l’horaire du mois. « C’est long mais ça passe rapidement, poursuit-elle. Vers la fin, la popularité de Me Gong s’est moussée et nous avons manqué de temps pour qu’il puisse rencontrer tous ceux qui en ont fait la demande. C’est dommage. »

Bien entendu, il faut aussi que le cabinet qui accueille ait l’occasion de converser un peu avec le stagiaire avant de le mettre en contact avec ses clients. « Pour quoi ne pas organiser, avec l’aide du Barreau de Montréal, des échanges par Skype avant son arrivée ? », suggère Me Lu.

Quant à la confidentialité, il faut informer les clients quand un stagiaire assistera à une réunion et s’assurer que les sujets traités ne présentent pas de problème à cet égard. Côté technologique, les stagiaires ont eu un accès restreint au réseau électronique du cabinet qui excluait les dossiers clients. Un ordinateur et une simple adresse courriel font bien l’affaire. « Quand nous avons voulu lui soumettre des dossiers, nous lui avons remis une version papier avec l’accord du client », ajoute Me Lu.

Venir à Montréal

Les stagiaires de la Chine ont-ils quelques conseils pour leurs collègues de là-bas qui voudraient participer au programme d’échange ? « Demeurer plus longtemps à Montréal, deux mois peut-être pour avoir le temps de bien explorer la ville et de bien apprendre les spécificités légales d’un pays étranger. Y venir en septembre ou en octobre, car c’est une très belle saison. Et être proactif, les Montréalais sont accueillants, ils ont le sens de l’hospitalité », suggère Me Jin.

« Connaître les deux langues, français et anglais. Apporter des vêtements d’hiver si on vient après octobre. Dresser une liste de ce qu’on veut faire et apprendre; un mois c’est court il faut donc avoir un plan avant d’arriver », ajoute Me Gong.

Qu’ont-ils retiré de leur expérience ? Me Gong dit avoir eu l’occasion d’échanger avec des associés du cabinet et avec des gens du marketing et avoir appris sur la façon de considérer ses clients de longue date et sur la façon d’en recruter de nouveaux. De son côté, Me Jin rapporte de nouvelles connaissances et des amis. « Je pense que ça pourrait se traduire par davantage de coopération et un échange mutuel de clients ».

« La population de Shanghai dépasse largement celle de Montréal, mais il n’en va pas de même du nombre d’avocats. Le marché des services juridiques à Shanghai est important et j’invite les avocats québécois à y faire des affaires. Notre économie est en croissance et nous espérons voir des Canadiens en profiter », dit Me Yi Gong.

Aller en Chine

Me Xiao-Jing Yang, avocate montréalaise reçue au Barreau en 2011, pratique à son compte en droit civil et en droit de l’immigration. Elle est née à Shanghai. Si elle connaît la Chine pour y être allée à quelques reprises, si elle connaît la langue et même le dialecte de Shanghai, elle ignorait à peu près tout de la pratique du droit, du fonctionnement d’un cabinet et du travail des avocats là-bas. Elle a donc fait un stage d’un mois dans un cabinet de Shanghai en mai 2015. « Je voulais apprendre comment fonctionne le système juridique chinois », dit-elle.

A-t-elle atteint son objectif ? « À 50% répond-elle. J’ai pu observer la façon dont les avocats travaillent, j’ai traduit des articles écrits par des avocats chinois pour le journal interne du cabinet qui m’a accueillie, entre autres des commentaires sur la jurisprudence, et je suis allée une fois au registre des entreprises. Je n’ai toutefois pas eu l’occasion de voir comment ça se passe à la cour. »

À ses collègues montréalais qui voudraient aller en Chine, elle suggère de communiquer à l’avance avec le cabinet hôte afin de discuter avec eux des tâches qu’ils entendent confier au stagiaire, et surtout, de leur faire des propositions sur ce qu’on pourrait et aimerait accomplir. « Je ne l’ai pas fait et j’ai constaté que c’était une erreur », confie-t-elle. Sur le plan personnel, Me Yang conseille bien sûr d’en profiter pour visiter la Chine et comme le pays est vaste, de faire des recherches avant le départ afin de profiter au maximum du temps disponible pour le tourisme.

D’autres conseils pour les avocats montréalais qui ont des clients chinois ? « Prendre le temps de bien les connaître, de bien comprendre leurs besoins, leur personnalité et surtout leurs attentes. Dans la culture chinoise, lorsque survient un conflit entre deux personnes, on préfère des solutions comme la négociation ou la médiation au lieu des actions devant la cour. Il importe donc d’explorer ces avenues avec le client. Il est aussi important de bien leur expliquer le rôle de l’avocat », expose Me Xiao-Jing Yang.