Me Elise Groulx

Me Elise Groulx : Étoile sans frontière
Par Mélanie Dugré, avocate
(Article diffusé le 8 janvier 2014)

Me Elise Groulx est née à Montréal de parents comédiens, passionnés par les arts, la France et sa culture. À l’adolescence, à la sortie d’une représentation théâtrale mettant son père en vedette, elle se retrouve entourée de grands comédiens, Jean-Louis Roux, Jean Gascon, Janine Sutto, Huguette Oligny, Denise et Gilles Pelletier. Ils s’enquièrent de son désir de suivre les traces de ses parents, ce à quoi elle répond qu’elle ne voulait pas jouer la comédie et que sa carrière serait beaucoup plus sérieuse que celle de ses parents. Un jour de plaidoirie devant jury, au Palais de Justice de Montréal, Elise réalise soudain qu’à sa façon, elle a, elle aussi, choisi le théâtre. Elle affirme d’ailleurs s’être lancée dans ses projets internationaux de façon très artistique, créatrice et spontanée, sans filet de sécurité et avec son instinct comme seul et unique guide.

Après des études au collège Marie-de-France où elle se porte souvent à la défense de ses copines punies, Elise complète un baccalauréat spécialisé en Sciences politiques à l’Université du Québec à Montréal et une licence en droit avec distinction à l’Université de Montréal. Curieuse de découvrir le monde, de nouvelles cultures et d’apprendre comment fonctionnent les autres sociétés, elle choisit de poursuivre des études supérieures en France et en Angleterre où elle obtient deux certificats en criminologie et droit pénal comparé de l’Université de Paris II (Panthéon-Assas) ainsi qu’un LL.M. (maîtrise en droit pénal comparé, droits de l’homme et criminologie) de la London School of Economics (LSE).

De retour au Québec, Elise complète la formation de l’École du Barreau et démarre sa pratique comme avocate de la défense à l’Aide juridique où elle restera pendant près de neuf ans. Elle continuera par la suite à exercer à son compte et sera notamment impliquée dans la célèbre affaire Barnabé en représentant les intérêts d’un des policiers accusés. En 1994, Elise assiste à un déjeuner de l’Association des avocats de la défense de Montréal (AADM) où elle est interpellée par le cri du cœur du juge Deschênes qui invite les participants à s’impliquer dans le développement de la justice internationale naissante. Elle se porte immédiatement volontaire et s’implique d’abord dans les activités du TPIY (Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie). C’est d’ailleurs lors d’une conférence tenue à Bruxelles, deux ans plus tard, au moment de la nomination de Louise Arbour comme procureure-chef du TPIY que lui vient l’idée de créer l’Association Internationale des Avocats de la Défense (AIAD), une organisation internationale non gouvernementale qui obtient éventuellement un statut consultatif auprès du Conseil Économique et Social (ECOSOC) des Nations unies, de l’Organisation des États américains (OÉA) et de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Elise constate en effet que cette justice pénale internationale émergente fait bien peu de cas du droit de la défense qui est pour ainsi dire absent du débat et des textes. L’AIAD s’emploie donc à renforcer le pilier de la défense au sein des tribunaux pénaux internationaux et elle s’impose comme la championne de la présomption d’innocence et du plein respect du droit à un procès juste et équitable. Évidemment, le parcours d’Elise et de l’AIAD devant l’ONU sera semé d’embûches puisque comme le précise Elise : « Lorsqu’on arrive à l’ONU à titre d’avocat de la défense, on ne jouit d’absolument aucun capital de sympathie et on souffre d’une extrême impopularité puisque l’accent se porte normalement, dans un contexte d’atrocités, sur les victimes».

Mais l’AIAD persiste et signe en se faisant notamment connaître par ses travaux d’advocacy alors qu’elle participe systématique aux commissions préparatoires qui entourent la création de la Cour pénale internationale (CPI). L’AIAD amène des propositions qui sont intégrées dans le Règlement de Preuve et de Procédure de la CPI et qui consacrent entre autres la reconnaissance de l’indépendance de la profession juridique au sein du nouveau système de justice.

L’AIAD se voit aussi octroyer le statut d’Amicus curiae dans divers dossiers ayant cours devant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). En 2008, son intervention aux côtés de Human Rights Watch permet d’empêcher le transfert de détenus du TPIR vers le Rwanda. Enfin, l’AIAD organise partout dans le monde des formations afin de familiariser les avocats aux rouages du droit pénal international et aux enjeux liés à la protection des droits de la défense.

Elise est également fondatrice du Barreau pénal international (BPI) crée à Montréal en juin 2002. Elle devient la première présidente du BPI après avoir mené un mouvement qui réunit des barreaux nationaux, des ONG et des juristes venant de plus de 40 pays. Le BPI est mis en œuvre pour soutenir les juristes qui exercent devant la Cour pénale internationale et faire reconnaitre l’indépendance de la profession juridique tout en améliorant l’accès à la justice au sein du nouveau système de justice international.

Depuis 2003, Elise développe par ailleurs une réflexion sur la responsabilité des entreprises et de leurs dirigeants, tout particulièrement dans les zones de conflit, dans le contexte de l’expansion du droit pénal international. Cette nouvelle expertise l’amène à agir comme consultante pour des entreprises multinationales alors que dans la même foulée, un grand projet “Droits de l’homme et entreprises” fait présentement battre le cœur d’Elise. L’idée consiste à sensibiliser et former les avocats au nouveau régime légal de responsabilité civile et pénale qui entraîne des risques pour leurs clients, tout en mobilisant au soutien de cette initiative les barreaux locaux et internationaux. Elise rappelle que ce sont souvent des agents économiques qui font vivre les leaders politiques et militaires responsables de violations massives des droits de l’homme et qu’il est fondamental pour les avocats, dans un contexte de vérification diligente, de s’assurer de la nature des relations que peuvent entretenir leurs clients avec de tels acteurs. Dans sa croisade actuelle, Elise bénéficie, entre autres, de l’appui de l’American Bar Association (ABA), du Conseil National des Barreaux (France) et de l’ex-juge de la Cour Suprême du Canada, Ian Binnie, devenu pour elle un véritable allié et même un mentor. Elise souhaite ardemment voir ce projet faire aussi sa niche au Québec et au Canada par l’entremise de formations qui seraient offertes par le Barreau et dans les cabinets. Par voie de résolution, son projet a récemment reçu les félicitations et l’appui du Comité exécutif du Barreau du Québec lors de sa séance du 23 octobre 2013.

À travers son parcours non conventionnel et atypique, Elise reste toujours profondément touchée et émue par la communion des êtres humains. Elle se souvient d’une conférence donnée au Pérou en 2004 devant les membres d’une centrale syndicale travaillant dans des conditions très dures et probablement inhumaines : « Malgré mon espagnol pathétique et la chaleur extrême, mon auditoire était captif et les gens venaient me serrer dans leurs bras, convaincus que je représentais pour eux un espoir de justice ».

La liste de prix, de récompenses et de reconnaissances recueillis par Elise a d’ailleurs de quoi impressionner. En 2004, elle se voit remettre le Champion of Justice Award de la National Association of Criminal Defense Lawyers aux États-Unis, un prix qui honore un individu ayant fait preuve d’un extraordinaire dévouement dans le domaine des droits de l’homme. En 2007, le Barreau du Québec octroie à Elise le titre d’Advocatus Emeritus (Ad.E.) et en 2012, elle est sélectionnée par l’Association Canadienne des Libertés Civiles (ACLC) comme une des « Vingt Canadiens et Canadiennes extraordinaires » afin de souligner sa contribution au droit et aux libertés civiles au Canada et dans le monde. En 2012 également, Elise reçoit le Prix Walter S. Tarnopolsky qui récompense un résident ou une résidente du Canada dont la contribution au droit international des droits de la personne aura été exceptionnelle, que ce soit sur la scène canadienne ou mondiale. Elise est également membre honoraire du Barreau de Draguignan en France et elle vient d’être reçue avocate, en juillet 2013, à l’Ordre des Avocats de Paris. Elle est professeure honoraire de l’Université Inca Garcilazo de la Vega, à Lima, au Pérou. Elle est récipiendaire de la médaille du Barreau du Québec (2003), de celle de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris (2002), de même que celle de la Faculté de droit de l’Université de Montréal (2003). Bien qu’elle s’estime privilégiée de voir ses efforts salués et de recevoir la reconnaissance de ses pairs, Elise précise que l’objectif premier de son travail de pionnière a toujours été de faire avancer la cause de la justice et de l’État de droit, ce qui n’est possible qu’à travers un engagement sincère, soutenu et sans relâche. À ceux qui associent son parcours international à une vie glamour et jet-set, elle rappelle qu’elle a exercé son rôle dans des conditions souvent précaires et que c’est un caillou à la fois qu’on essaie de déplacer des montagnes.

Basée à Washington depuis un an, Elise croit que cette nouvelle réalité, lourde d’immenses défis, permet l’expansion de ses ambitieux projets déjà bien entamés. Elise Groulx, avocate pénaliste, membre du Barreau du Québec depuis plus de 25 ans, spécialiste en droit pénal international et mère de trois enfants, possède une feuille de route impressionnante, remplie de réalisations auxquelles plusieurs ont aspiré mais que peu ont accomplies. Où qu’elle se trouve sur la planète, Elise Groulx est une digne représentante de notre Barreau, une étoile sans frontière dont le rayonnement rejaillit sur l’ensemble des membres du Barreau de Montréal. Merci, Me Elise Groulx !