Me David E. Platts

Me David E. Platts : Se raconter pour démystifier
Par Mélanie Dugré, avocate
(Article diffusé le 18 octobre 2017)

Relater le parcours d’un collègue qui a marqué notre vie professionnelle entraîne à la fois une grande responsabilité et un immense privilège. Ce sont exactement les sentiments qui m’animent en vous présentant notre plus récente Figure de maître, Me David E. Platts.

Une enseignante de l’école primaire de ce natif de Calgary l’avait pourtant prédit : ce petit bonhomme brillant, dégourdi et qui aimait défendre ses points de vue envers et contre tous, allait assurément devenir avocat.

Suivant sa voie, David s’inscrit d’abord à l’Université de Calgary dans le programme de majeure en sciences politiques et mineure en français. En cours de route, il choisit de parfaire sa maitrise de la langue de Molière en venant faire sa troisième année de baccalauréat à l’Université Laval. C’est donc en 1984, l’année des Grands Voiliers, que David débarque à Québec, où il est instantanément séduit par l’effervescence qui règne dans la ville et par toutes ces manifestations qui s’organisent et mobilisent la population.

Cette année passée à Québec, marquée d’un coup de foudre pour la culture québécoise, la langue française et un Québécois, est décisive pour David. Il rentre néanmoins à Calgary pour y terminer son baccalauréat et après avoir récolté des résultats fort convaincants aux examens LSAT, il choisit la Faculté de droit de l’Université McGill, avec en poche la bourse Wainwright décernée aux étudiants possédant un dossier remarquable.

À l’issue de la course au stage en 1988, David accepte un poste chez Martineau Walker où il aura la chance de pratiquer en droit de la famille sous l’aile de Pierrette Rayle. L’année suivante, il se voit offrir un poste de clerc pour le juge Peter Cory à la Cour suprême du Canada. David se souvient d’un homme modeste, travaillant et généreux, qui distribuait des biscuits aux clercs pour les remercier de leur dur labeur. L’année est exaltante dans les coulisses du plus haut tribunal du pays, alors que sont rendues des décisions (Kindler, Ng, Stinchombe, Butler, Milgaard, Zundel, etc.) qui façonnent ce que le Canada choisit de devenir comme société.

Après ce passage à la Cour suprême, David se joint à Langlois Robert, où il poursuit sa formation auprès de Michel Robert et Raynold Langlois. S’il s’éloigne du droit de la famille, il touche en revanche à des dossiers passionnants de nature variée, dont la très médiatisée affaire Ruffo en droit disciplinaire. Connu comme « le gars qui écrit des mémoires », David apprend à la dure l’art des représentations à la cour de pratique et la conduite d’interrogatoires.

Au moment où Michel Robert est nommé à la Cour d’appel, David s’estime mûr pour un changement et fait le saut chez McCarthy Tétrault en janvier 1996 afin d’y développer une pratique en responsabilité médicale. Son premier dossier, St-Jean c. Mercier, le mène tout droit en Cour suprême (bien que huit ans plus tard!) et provoque chez David un véritable coup de cœur pour cette sphère du droit, où la science et l’humain, souvent dans sa grande vulnérabilité, se côtoient intimement.

En parallèle à une pratique du droit qui le comble, David accorde une importance significative au mentorat, ayant lui-même eu la chance d’apprendre auprès des plus grands juristes du pays. Ce rôle de premier plan qu’il joue auprès des jeunes s’intègre tant dans la dimension professionnelle que personnelle de la vie de David.

Professionnellement, David accompagne et soutient les jeunes avocats du cabinet, d’abord au niveau du recrutement et en ayant siégé au comité des ressources professionnelles pendant plusieurs années. Il est également membre du comité national de l’inclusion, qu’il dirige depuis janvier 2017. Ce comité vise à accueillir les différences de chacun et à reconnaître l’impact que peuvent avoir certaines réalités personnelles, comme la maternité, la race, l’orientation sexuelle ou encore la maladie d’un proche, sur la carrière d’un membre du cabinet.

Dans un contexte plus personnel et social, David se joint au GRIS-Montréal en 2005. Il devient rapidement intervenant avec son conjoint, un rôle qui lui permet d’avoir un accès direct aux jeunes dans les écoles. La mission du GRIS-Montréal consiste notamment à se raconter afin de démystifier et de briser les tabous entourant la communauté LGBT. Il faut dire que David a le récit généreux et le témoignage touchant. Il raconte notamment avec émotion le moment où il a informé le juge Cory de son orientation sexuelle. Alors qu’il travaille sur le dossier Mossop, une affaire où un travailleur homosexuel s’est vu refuser par son employeur un congé de deuil afin de se rendre aux funérailles du père de son conjoint, David confie à son patron que ce dossier a une résonance personnelle pour lui. Le juge Cory se montre ouvert et respectueux des confidences de son clerc, admettant toutefois que la Cour suprême n’est peut-être pas mûre pour les changements sociétaux qu’appelle le dossier Mossop, comme en témoigne d’ailleurs la décision finale rendue par la Cour en 1992.

David agit comme président du GRIS-Montréal depuis maintenant cinq ans. S’il cède sa place cet automne, il y laisse assurément un héritage précieux, grâce à son travail acharné, mais surtout à ses grandes qualités humaines qui font de lui un homme exceptionnel. C’est cet homme qui s’est raconté à moi pour les fins du présent article et c’est aussi un de ceux qui m’ont beaucoup appris, en me prenant sous son aile au cours de mes premières années de pratique, ce dont je garde un souvenir empreint d’affection et de reconnaissance.

David Platts est un homme et un mentor doux, patient, discret, qui ne brusque jamais et qui témoigne aux autres un respect sincère de ce qu’ils sont, de leurs forces comme de leurs faiblesses. Amoureux de la langue française, il s’évertue à la parler et à l’écrire impeccablement, avec le brin de poésie qui étonne et impressionne toujours ses interlocuteurs. Guidé par un instinct de pédagogue, il est avide de transmettre son savoir, son éthique de travail, sa rigueur intellectuelle, mais surtout, son amour profond du droit et son sens inné de la justice.

Habité par la sagesse de celui qui a vu, vécu et vaincu et porté par la conviction qu’en se racontant, on peut démystifier et briser les tabous, David Platts réussit à changer le monde à sa façon, une parole et un témoignage à la fois.