Me Bertrand Roy

Me Bertrand Roy, commissaire à la Commission des lésions professionnelles:
servir et promouvoir la justice administrative, ici et ailleurs

par Louise Vadnais, avocate

Longtemps, la justice administrative a évolué en vase clos, comme une question d’intérêt national, domestique, sans ramifications vers l’extérieur. Selon Me Bertrand Roy, commissaire à la Commission des lésions professionnelles (CLP), cette époque est bel et bien révolue. «Dans un monde où l’économie et les communications sont devenues planétaires, les décisions rendues par les juges administratifs produisent de plus en plus d’effets au-delà des frontières», fait-il valoir. 

Président du comité organisateur du 2e congrès international du Conseil des tribunaux administratifs canadiens (CTAC), qui réunissait à Québec, en juin dernier, plus de 400 membres de tribunaux administratifs en provenance d’une trentaine de pays, sous le thème La justice administrative à  la recherche de valeurs universelles, Me Roy affirme d’emblée qu’on ne peut plus faire abstraction de ce qui se passe ailleurs. 

«Dans la mouvance de la mondialisation les influences surgissent de partout et nous obligent à s’ouvrir aux initiatives des autres pays notamment dans les domaines du commerce de l’environnement et de l’harmonisation des lois du travail. Que notre héritage provienne du droit civil, de la common law ou du droit musulman, nous baignons dans un monde où les valeurs des uns et des autres sont confrontées», soutient Me Roy, qui a consacré temps et énergie sans compter en vue de la réussite et du rayonnement de ce Congrès. 

La Conférence des juges administratifs du Québec a par ailleurs souligné en septembre dernier sa contribution exceptionnelle à l’avancement et au rayonnement de la justice administrative au Québec et au Canada et lui a remis le prix Méritas 2001. 

Une période d’effervescence 

Originaire de Sherbrooke, Me Roy a obtenu sa Licence en droit de l’Université d’Ottawa en 1967. Il était admis au Barreau l’année suivante. Après quelques années à œuvrer comme procureur syndical, il agira de 1976 à 1986 comme directeur des enquêtes à la Commission des droits de la personne du Québec. 

Une période d’effervescence au sein de la communauté juridique se rappelle Me Roy: «J’ai assisté à tous les changements provoqués par l’entrée en vigueur de la Charte des droits et libertés de la personne  au sein de la communauté juridique, tribunaux, avocats, barreaux. Cela m’a donné des outils pour bien comprendre ce que pouvait être un système de justice administrative.» 

La personne avant tout 

Nommé commissaire à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles en 1986, Me Roy s’est donc vite senti à l’aise au sein de la justice administrative. Nommé vice-président à la qualité dès 1988, il a alors assumé la direction de la formation des membres dans le but de développer leurs aptitudes à mener des audiences et à rendre des décisions soignées. 

Pour Me Roy, se soucier de la qualité c’est d’abord une façon particulière d’envisager les problèmes: «C’est se soucier de la personne avant tout. C’est là que réside le fondement de la relation entre l’avocat et son client, entre le juge administratif et le justiciable. Chercher non pas à juger la personne, la classer, la diminuer, mais plutôt à la valoriser. La personne doit sentir que ses problèmes ont fait l’objet d’une attention particulière. Quand une décision est rendue à son égard la personne doit sentir que cette décision n’est pas le fruit du hasard mais qu’elle résulte d’un processus rationnel, sans parti pris ou préjugé. En bout de ligne, elle doit pouvoir se dire que justice a été rendue, même si elle n’est pas d’accord avec la décision.»

S’ouvrir sur le monde

Lors de la création de la CLP en novembre 1997, Me Roy a repris le chemin du banc avec sagesse et sérénité. Cela ne l’a pas empêché de continuer à promouvoir la qualité de la justice administrative, ici et ailleurs, grâce à ses nombreux contacts créés comme membre du CTAC, de la Conférence des juges administratifs du Québec et de la Division Québec de l’Association du Barreau canadien dont il préside aujourd’hui la Section de droit administratif. 

Toutes ces expériences l’ont naturellement conduit à prendre la responsabilité de l’organisation du deuxième congrès international du CTAC. Le président de la CLP, Me Jean-Pierre Arsenault, l’a assuré du soutien de son organisme. «Comme acteur privilégié dans le monde de la justice administrative nous assumons un rôle particulier, un double devoir: celui de servir la justice et d’en faire la promotion», fait valoir le président. 

Très heureux de la réussite du congrès, Me Arsenault tient à souligner l’engagement humain dont Me Roy a fait preuve: «Quand on fait de la justice sa croyance, son métier, son vécu, on dépasse le champ de ses seules préoccupations professionnelles et on s’investit personnellement dans l’avancement de la justice». 

Un constat s’impose renchérit Me Roy: «La justice administrative n’est plus qu’une affaire locale. On ne peut plus demeurer replié sur nous-mêmes. Il faut regarder et trouver des solutions ailleurs. La forte réponse au Congrès Québec 2001 du CTAC montre que les Québécois ont soif de contacts avec l’extérieur, avec les autres provinces du Canada mais aussi avec l’ensemble du monde.»

«En outre les Américains et les Australiens ont été impressionnés par notre organisation, poursuit Me Roy. Les Brésiliens veulent nous imiter et organiser une conférence pan américaine. Je compte bien faire en sorte que toutes ces initiatives soient connues», lance Me Roy, qui entend bien faire fructifier les retombées du Congrès au sein de la communauté juridique nationale et internationale. 

Consolider ses acquis 

Et l’avenir de la justice administrative? Le Québec a une longueur d’avance, assure Me Roy. «La réforme québécoise et le récent jugement du juge Dussault de la Cour d’appel (1) ont établi un cadre plus rigoureux. En outre, l’article 23 de la Charte québécoise qui consacre le droit d’un citoyen d’être entendu par un tribunal indépendant, compte parmi les éléments les plus importants. Cet article n’existe pas ailleurs. Les autres provinces, ainsi que le gouvernement fédéral, peuvent nommer des membres de tribunaux administratifs pour une période très courte.»

«Aussi la justice administrative doit-elle travailler à consolider ses acquis et à améliorer les éléments encore perfectibles dans l’intérêt des justiciables», conclut cet artisan du droit, fervent promoteur de la justice administrative. 

(1) P. G. du Québec c. Barreau de Montréal , C.A. 500-09-009146-002, le 5 septembre 2001.