Harcèlement psychologique et discrimination

Extraits d’une entrevue avec Me Julie Lassonde

Le Barreau de Montréal, par l’entremise de ses quelque 40 comités, se penche sur les préoccupations des membres de la profession, et ce, dans un éventail de domaines. Il est malheureux de constater que parmi les préoccupations des membres se retrouvent encore aujourd’hui des difficultés afférentes au harcèlement.

Ce constat et les événements qui ont marqué l’actualité des derniers mois ont incité les membres du comité des avocates dans la profession à aborder la question de la discrimination et du harcèlement psychologique avec Me Julie Lassonde[1], dans le but de rappeler certaines notions, de susciter une réflexion afin d’aider les personnes qui font face à de telles problématiques et de sensibiliser les membres de la profession.

QU’EST-CE QUE LE HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE?

Le concept est notamment défini dans la Loi sur les normes du travail, qui prévoit que le harcèlement psychologique est « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste[2] ».

Il est important de noter que la Loi prévoit le droit à un milieu de travail dépourvu de harcèlement et l’obligation pour l’employeur de prendre les moyens pour prévenir le harcèlement et le faire cesser[3].

Le harcèlement psychologique peut être subi par toute personne et prendre plusieurs formes. D’ailleurs, le harcèlement sexuel est considéré en vertu de cette Loi comme une forme de harcèlement psychologique.

En plus de cette Loi, plusieurs autres lois protègent les personnes contre le harcèlement, chacune dans des circonstances et juridictions particulières (par ex. : le Code canadien du travail, la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Charte des droits et libertés de la personne et le Code de déontologie des avocats).

QUELS TYPES DE COMPORTEMENTS VEXATOIRES PEUVENT CONSTITUER DU HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE?

Bien que chaque situation soit différente, certaines sont plus fréquentes que d’autres. Le harcèlement psychologique peut prendre la forme de comportements tels les regards intimidants, la proximité physique non désirée ou le fait d’isoler une personne de ses collègues. Il peut prendre la forme de commentaires positifs ou négatifs sur l’apparence physique d’une personne, sur son poids, ses choix vestimentaires ou ses caractéristiques physiques.

Les commentaires peuvent également porter sur le caractère d’une personne, être liés à une condition physique, un handicap ou sa religion. Ils peuvent être sous la forme de sous-entendus ou de blagues.

Les exemples suivants peuvent illustrer les commentaires ou les comportements vexatoires :

  • Les rumeurs qu’une personne a été embauchée à cause de son apparence physique.
  • Les rumeurs liées à l’orientation sexuelle.
  • Les invitations à répétition à manger en tête à tête, avec des sous-entendus de nature sexuelle.

Il y a malheureusement beaucoup d’autres exemples, mais ceux-ci donnent une idée des situations qui peuvent mener à du harcèlement. Il est également important de noter qu’une conduite peut paraître vexatoire aux yeux d’une personne et être tout à fait banale aux yeux d’une autre, et constituer néanmoins du harcèlement.

QU’EST-CE QUE LA DISCRIMINATION

La Charte des droits et libertés de la personne[4], prévoit que :

« Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit. »

La discrimination constitue donc une atteinte à un droit en raison d’une distinction, d’une exclusion ou d’une préférence basée sur l’un ou plusieurs des motifs mentionnés à la Charte.

DANS QUELLES CIRCONSTANCES UNE PERSONNE EST-ELLE SUSCEPTIBLE D’ÊTRE VICTIME DE DISCRIMINATION?

La discrimination peut prendre plusieurs formes et survenir dans un vaste éventail de circonstances. Les employés de tous niveaux et milieux de travail doivent être sensibilisés à l’ensemble de ces formes de discrimination.

Voici quelques exemples pour illustrer une conduite discriminatoire :

  • Lors d’une entrevue, les questions portant sur l’un des motifs exclus par la Charte (par ex. : Avez-vous l’intention de fonder une famille? Votre nom n’est pas québécois?).
  • Un congédiement pendant un congé de maternité.
  • Être exclue de certaines rencontres relatives à ses propres dossiers.
  • Se voir confier les dossiers dont personne ne veut.
  • Tenir pour acquis que la femme ne voudra pas assumer un mandat à l’étranger.
  • Organiser des activités où seuls les hommes sont conviés (par ex. : activités de réseautage ou lunchs d’affaires).
  • Considérer le choix d’un employé d’avoir un enfant comme plus préjudiciable s’il s’agit d’une femme que d’un homme.
  • Les remarques quant au choix d’une femme de travailler.

On note que malgré l’avancement des femmes sur le marché du travail, certaines tâches continuent de leur être confiées de façon presque automatique alors qu’elles ne seraient pas demandées à un collègue masculin (par ex. : faire des photocopies, prendre des notes et le bon vieux cliché de servir le café).

Encore une fois, il est impossible d’énumérer tous les exemples possibles.


[1] Me Lassonde est membre du Barreau du Québec et du Barreau du Haut-Canada. En plus d’être membre du comité des avocates dans la profession, Me Lassonde offre des services de consultation, de recherche et de traduction dans le domaine des droits des femmes et de la justice sociale (jlassonde.com).

[2] Article 81.18 de la Loi sur les normes du travail.

[3] Article 81.18 de la Loi sur les normes du travail.

[4] RLRQ c. C -12, art. 10.